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Méli-Melo Belfort
21 avril 2023

Adolphe Baumlé, le petit clairon des Perches, plus jeune soldat du siège de Belfort en 1871.

    Après une guerre on finit toujours par se poser la question de savoir qu’elle était le plus jeune soldat à y avoir participé. La guerre de 1870-1871, n’y a pas échappé.
    Le 12 mars 1903, on peut lire dans le journal La Libre Parole l’article intitulé « QUEL FUT LE PLUS JEUNE COMBATTANT DE 1870 ? », en voici le contenu :

    « A cette question, posée récemment par un de nos confrères parisiens, de nombreuses réponses furent faites. On retrouva ainsi plusieurs soldats de la dernière guerre qui, âgés de seize ans à peine, firent, ici ou là, le coup de feu contre les Allemands.
    Notre correspondant de Belfort nous écrit de son côté : 
    Nous avons tout lieu de penser que le plus jeune soldat de 1870 appartint à la garnison de Belfort. C'est un nommé Adolphe Baumlé, dont tous les défenseurs de notre cité se souviennent pour l'entrain rageur qu'il mit à sonner la charge lors de la fameuse attaque des Perches, où tant de soldats ennemis trouvèrent la mort.
    Adolphe Baumlé, aujourd'hui sculpteur à Saint-Péray (Ardèche), est né à Montbéliard, le 21 avril 1856 et, tout jeune, vint habiter notre ville avec ses parents. Baumlé avait donc quatorze ans et quelques mois lorsque la guerre fut déclarée. Il s'engagea à Belfort et lors de l'affaire des Perches il fut porté à l'ordre du jour par le colonel Denfert et proposé pour la médaille militaire qu'il n'obtint pas, du reste.
    Baumlé se considère depuis comme « un enfant de la Miotte » et il ne manque, depuis trente ans, aucune occasion de se rappeler au souvenir de ses compagnons d'armes.
     Il y a quelques jours, lors du banquet anniversaire de la sortie de la garnison avec les honneurs de la guerre M.Baumlé s'excusait de ne pouvoir se joindre à ses anciens camarades et leur envoyait un panier de champagne en guise de souvenir. »

    Adolphe Baumlé a donc participé au siège de Belfort qui s’est déroulé du 3 novembre 1870 au 18 février 1871. Essayons d’en savoir plus sur lui et sur ce qu’il a fait lors de cette fameuse attaque des Perches.

    En ce qui concerne sa filiation, on trouve facilement son acte de naissance en ligne : https://archives.montbeliard.com/4DCGI/Web_RegistreActes1E31xzx31951*194/1/ILUMP25230, où il est dit né le 21 avril 1856 à Montbéliard (25) fils de Joseph, charpentier, 30 ans et de Catherine Stirnemann, modiste, 30 ans. Domiciliés rue de Besançon. A noter que le nom est orthographié Baimlet, à l’époque, et non Baumlé.           
    Une recherche systématique sur les archives municipales de Belfort en ligne, nous font retrouver l’acte de décès du père d’Adolphe : https://archives.belfort.fr/ark:/50960/k86tzn7m13hr/4738f6b2-f14c-40fe-ae6c-5edb95c0943cIl est mort le 20 décembre 1869 au faubourg du Fourneau, à l’âge de 45 ans, et il était né à Beaucourt (90).
    Avec ces informations on retrouve son acte de naissance sur les archives départementales de Belfort en ligne : https://archives.territoiredebelfort.fr/ark:/12997/2rt74jmxvs6c/450f7ddf-2c5a-4ef9-ad49-79664f135ffc Il est né le 9 janvier 1824 à Beaucourt. Son nom est orthographié Baïmlet, mais une mention marginale de l’acte nous apprend que par décision du tribunal civil de Belfort du 12 février 1863, Baïmlet est corrigé en Baumlé.
Connaissant le quartier de résidence de Joseph Baumlé à sa mort, j’ai consulté le recensement de Belfort de 1866 et découvert la famille au Faubourg du Fourneau : https://archives.territoiredebelfort.fr/ark:/12997/cp0g24xk9qsv/0eef2656-ca16-4c38-9650-1bd4a957e96c
On découvre Joséphine, 10 ans, en fait plus âgée car découverte née le 6 août 1854 à Montbéliard : https://archives.montbeliard.com/4DCGI/Web_RegistreActes1E31xzx31698*50/1/ILUMP16719
Joseph 1 an, né le 4 mai 1865 à Belfort : https://archives.territoiredebelfort.fr/ark:/12997/xqtj7cdw0nsr/5145ce29-5281-493b-9df4-f551db74e8a3 et Émile, 5 ans dont je n’ai pas retrouvé la naissance à Belfort.
Mais étrangement on n’y trouve pas Adolphe ! Où était-il pour ne s’être pas fait recenser avec le reste de la famille ?
Je n’ai pas retrouvé la famille Baumlé dans le recensement de 1856 et 1861, Faubourg du Fourneau. Peut-être habitait-elle à une autre adresse.
    Je reviens sur le jugement du tribunal civil de Belfort du 12 février 1863, découvert retranscrit le 17 juillet 1863 parmi les actes de naissance de l’année : https://archives.belfort.fr/ark:/50960/5xp4jvlrm83k/f6377a55-a44b-423e-945c-1e06a1492d1d Il nous apprend plusieurs choses sur la famille Baumlé :
          - Joseph, le grand-père d’Adolphe est né le 1er avril 1795 à Murg, grand-duché de Bade (actuel Land de Bade-Wurtenberg), fils de Magnus et de Marie Gesteiser. Il s’est marié le 11 février 1823 à Seloncourt (25) avec Barbe Violard. Lors de son mariage, il a légitimé sa fille Marie Joséphine née à Belfort le 16 janvier 1821.
          - 2 autres enfants sont nés de ce mariage, Jean Joseph, le père d’Adolphe né le 9 janvier 1824 à Beaucourt, et Adolphe né le 26 janvier 1827, également à Beaucourt.
          - Du fait de l’origine étrangère de Joseph Baumlé, le nom a été souvent mal orthographié dans les différents actes de l’état civil : Païmelé, Baymelet, Baïmelet, ce qui a entrainé des problèmes de succession lors de la mort de Adolphe Baumlé à Rio de Janeiro le 3 février 1861.
En conséquence le tribunal civil de Belfort a ordonné la rectification des noms mal orthographiés en Baumlé.

    Revenons à Adolphe Baumlé, on lit dans le journal Le Pays de Montbéliard du 15 mars 1903, qu’ « il avait un an quand il fut amené à Belfort. Il croit donc avoir le droit de se dire enfant de la Miotte. »
Il précise donc son arrivée à Belfort et corrige, sans le savoir, ce que l’on a pu lire plus haut, il se considère Miottain car il est arrivé à un an à Belfort et non parce qu’il a participé au siège de Belfort.
Dans Le Pays de Montbéliard du 22 mars 1903, on précise que son père charpentier avait travaillé à Montbéliard chez M. Schwander, au canal. Que sa mère toujours vivante à 83 ans habitait chez un de ses fils près de Lyon, et qu’elle racontait toujours des épisodes du siège de Belfort avec verve.
Dommage qu’elle ne nous ait pas laissé un témoignage écrit de cela.

   Venons-en maintenant au témoignage détaillé de l’acte héroïque de Adolphe Baumlé qui s’est déroulé dans la nuit du 26 janvier 1871 à Belfort. Il est extrait du Vétéran, bulletin de la Société nationale de retraites des vétérans des armées de terre et de mer,du 5 janvier 1908 :

LE PETIT CLAIRON DES PERCHES
(Souvenir du Siège de Belfort)


     Le petit clairon des Perches, dont nous allons conter l'histoire, d'après le récit enregistré par notre confrère Le Haut-Rhin Républicain de Belfort, qui s'illustra à l'âge de 14 ans, M. Adolphe Baumlé, est aujourd'hui sculpteur à Saint-Péray (Ardèche). Il vit avec sa mère, âgé de quatre-vingt-quatre ans, et ancienne propriétaire d'un comptoir à Lyon, avec comme enseigne, « Au Souvenir du Siège de Belfort ». 
     Un obus prussien, placé sur la porte, complétait l'allure martiale de l'établissement, et la brave femme était connue dans le quartier sous l'appellation, familière de la « Mère des Mobiles ».
     A l'âge de quatorze ans, dans la nuit du 26 janvier 1871, M. Baumlé, le petit clairon des Perches, donna l'alarme aux troupes de la garnison, à l'instant précis où les Prussiens allaient les surprendre. C'était à Belfort : le jeune Baumlé, enrôlé comme clairon volontaire, était de garde ce soir-là et il avait déjà, à plusieurs reprises, monté la faction à cet endroit avec un fusil à piston aussi grand que lui, et portant toujours un clairon en bandoulière, ce qui lui avait valu les plaisanteries des soldats des Perches et des mobiles de la Haute-Saône, du Rhône et de Toulouse.
« Je me rappelle à ce propos, dit M. Baumlé, une réflexion d'un camarade du poste, qui avait fait remarquer à ses compagnons, d'un air gouailleur : « le gosse couche toujours avec son clairon » ; j'ai prouvé plus tard que j'avais raison de ne pas m'en séparer. »
    Le petit clairon allait donc relever la sentinelle, placée non loin du poste. A peine avait-il fait cent mètres qu'un bruit sourd, inquiétant, l'arrêta. Il se blottit un instant dans les buissons de la propriété Viney, surnommée « Le Gros Dallot » et se rendit alors compte que ce bruit venait de derrière la ligne de chemin de fer, du côté de Danjoutin.
     Baumlé, en retournant sur ses pas pour prévenir le poste, rencontra un camarade qui, comme lui, prêtait l'oreille. « Il fait froid, lui dit-il, mais je crois que ça chauffe de ce côté. » Et, tandis que ce camarade se rendait en hâte au poste, le jeune Baumlé courut au pas gymnastique jusqu'à la maison de ses parents.
     Madame Baumlé, la femme dévouée, bien connue des défenseurs de Belfort, qui avait établi une ambulance avec ses seules ressources — ce qui lui valut les félicitations du colonel. Rochas — Madame Baumlé, disons-nous, s'étonna de cette course folle par 21 degrés de froid. « Écoutez, mère », lui répondit l'enfant.
     La rue était calme et déserte, ils allèrent ensemble jusqu'à l'extrémité du faubourg du Fourneau ; soudain, une bombe éclate de l'autre côté de la Savoureuse, en même temps que deux coups de feu très sourds, venant de la direction des Perches, arrêtent brusquement madame Baumlé et son fils qui reviennent alors sur le seul de leur maison.
     La courageuse femme, s'apercevant que son fils avait un clairon, lui ordonna de sonner tandis qu'elle-même allait de maison en maison prévenir tes habitants de ce qui se passait. « Allons, disait-elle, debout, les enfants ! Aux armes ! » 
Malgré la défense qu'on lui avait faite de se servir de son instrument en quelque circonstance que ce fût, le petit clairon sonna à pleins poumons en parcourant au pas gymnastique le Fourneau. Il était temps : l'ennemi s'était déjà avancé vers les tranchées situées au bas des forêts ; les nôtres, surpris, n'ayant pas eu le temps de se servir de leurs fusils, se battaient à coups de pioches.
     Baumlé sonna la charge jusqu'au Moulin, et là, caché derrière une charrette, il sonna encore de toutes ses forces, à maintes reprises, durant l'action. « C'était, dit-il, terrible de voir, entre dix heures et minuit, ces feux croisés, venant de tous les forts, passer par-dessus nos têtes et d'entendre les « hourrah ! » prussiens ».
    Vers minuit, le combat était terminé. Le lendemain, au lever du jour, un triste spectacle s'offrit à la vue des survivants : plus de 800 cadavres étaient étendus sur la neige ; il y avait une soixantaine de blessés et nous avions fait environ 300 prisonniers, officiers et soldats. Les morts furent enterrés dans les tranchées que nos soldats creusaient lors de l'attaque.
    C'est à Madame Baumlé et à son fils que l'on doit d'avoir pu repousser l'ennemi ; il est certain que, si le petit clairon n'avait pas sonné de suite, au commandement de sa courageuse mère, s'il avait attendu l'ordre d'un supérieur, il était trop tard.
     C'est ce premier coup de clairon qui a prévenu toutes les troupes de la garnison et qui a donné du cœur au ventre des défenseurs ; ils ont eu le temps de se masser au bas des forts des Perches, où a commencé la fusillade qui a tenu l'ennemi en respect. Si malheureusement l'ennemi avait pénétré dans le faubourg du Fourneau, comme c'était son but, c'en était fait des Perches.
     Tel est le fait d'armes à l'actif du Petit clairon des Perches qui, après avoir donné l'alarme, n'a pas hésité à marcher en avant en sonnant la charge, malgré la pluie de fer et la blessure reçue quelques jours avant au coup-de-pied droit, pendant qu'il était de faction derrière une petite redoute.
     Est-il utile d'ajouter que M. Baumlé a conservé précieusement son clairon ?
     « Mon émotion, dit-il, est toujours la même quand mon regard se porte sur le vieil instrument qui orne aujourd'hui mon atelier ; il y manque l'embouchure, restée entre les mains d'un sous-officier prussien qui voulait s'emparer de mon instrument. Un camarade vint à mon secours et empêcha mon adversaire de me laisser sur le champ. Cela se passait quelques jours après le siège, un peu avant que ma mère eût le bras droit entaillé en parant un coup de sabre que lui portait un sous-officier prussien ».
     M. Baumlé termine ainsi :
     « Voilà des faits sincères et précis que je crois intéressants au point de vue patriotique, je tiens donc à les rappeler à mes compatriotes et anciens frères d'armes ; je tiens aussi à leur dire que, malgré l'éloignement et les années passées, le cœur du petit clairon est toujours resté auprès de ses vaillants camarades, défenseurs pendant le siège sous les ordres du brave colonel Denfert. Je leur adresse à tous, un affectueux salut. »

Attaque fort des Perches 26-01-1871

    Le 1er avril 1931, un autre article sur le témoignage de Adolphe Baumlé parait dans Le Mutilé du Vivarais. Il reprend, lui aussi un article d’un journal belfortain, celui de La Frontière. On y trouve une information complémentaire, puisse que le nom de celui qui a empêché le prussien de lui prendre son clairon est donné, il s’agit d’Émile Fritz.

    A noter que, soit du fait de l’absence des journaux belfortains en ligne, soit de l’impossibilité de pouvoir faire des recherches systématiques par recherches de mots clés dans ceux disponibles, nous sommes obligés de louvoyer pour trouver les bonnes informations indirectement via des reprises d’articles de journaux belfortains dans d’autres journaux.

Capitualtion française 18 février 1871 vu par les allemands
Capitulation de la place de Belfort, le 18 février 1871, vu par les allemands. Vue très imagée, on se croirait dans les Alpes !

    Cela étant dit, qu’est devenu Adolphe Baumlé et sa famille après la fin du siège de Belfort le 18 février 1871 ?
    L’ouvrage, récemment paru, « Le Livre d'or du siège de Belfort 1870-71 » par Bernard Cuquemelle et Christophe Grudler, nous l’apprend. En effet, il est écrit page 57 : « N’ayant plus de maison à Belfort, ce sont ses anciens soldats qui décident de l’aider (la mère d’Adolphe) … à Lyon où elle s’installe avec ses quatre enfants. Au recensement de 1872, on la retrouve domiciliée rue Dubois à Lyon. Elle y exerce la profession de restauratrice. »
    Mme Baumlé s’occupait bénévolement des soldats, d’où cet acte de générosité en retour, de la part des Mobiles du Rhône.
    Il est surprenant, par contre, qu’il n’est aucunement fait mention d’Adolphe et de son acte de bravoure dans l’ouvrage cité ci-dessus. Un regrettable oubli ?

couverture le livre d'or siege Belfort 1870-1871

    Avec ce départ dans le Rhône, il n’est pas étonnant alors de retrouver Émile le frère d’Adolphe dans le recensement de Lyon de 1911 : https://archives.rhone.fr/ark:/28729/s4p9gvnc5j80/fcaf6777-2b0e-48bb-84c5-884ebdcb37af indiqué né en 1859, mais toujours sans lieu de naissance !

    En ce qui concerne Adolphe, on sait déjà qu’il est installé à Saint-Péray dans l’Ardèche en 1908, mais depuis quand il y réside et jusqu’à quelle date ?
    En consultant les journaux de l’Ardèche de l’époque, on le retrouve cité, dans le Journal de Tournon du 19 septembre 1896, dans une annonce de concours de boules comme lieu d’inscription, chez Baumlé, sculpteur à Saint-Péray : https://archives.ardeche.fr/ark:/39673/vtad9a6011d804bcaea/dao/0/11

Pub Baumle sculpteur St-Peray

    Une recherche généalogique sur St-Péray nous fait retrouver la famille Baumlé dans le recensement de 1911 : https://archives.ardeche.fr/ark:/39673/vtaf71f0b4cd7872c47/daoloc/0/12 Adolphe a 2 garçons, Émile né en 1895 et Adolphe né en 1896. Après vérifications, Émile est né le 20 avril 1895, et Rodolphe, et non pas Adolphe, est né le 14 octobre 1896, tous 2 à St-Péray.
    On situe également sa date de mariage, le 12 décembre 1893 à Saint Peray (07), avec Louise Appolonie Présentine Fabry : https://archives.ardeche.fr/ark:/39673/vta21b8ecf4b66a6987/daogrp/0/21
    Adolphe est domicilié à Lyon lors de son mariage, il est fort possible qu’il se soit installé à St-Péray tout de suite après son mariage, en tout cas entre 1893 et 1896.
    Adolphe est connu comme sculpteur, mais le recensement de 1911 nous apprend également qu’il est maitre d’hôtel. En effet il tiendra l’Hôtel café restaurant Fabry-Baumlé avec sa femme durant de longues années avant de le céder à son fils Rodolphe qui s’en occupera jusqu’à son décès prématuré le 23 août 1937. L’hôtel sera vendu aux enchères publiques le 25 octobre 1937  https://archives.ardeche.fr/ark:/39673/vtaa72e2f6947174802/dao/0/3  De nos jours le bâtiment n’existe plus, il a été remplacé par des immeubles d’habitations modernes.

Hotel Fabry-Baumlé R

    Bien qu’éloigné de Belfort et de ses anciens frères d’armes du siège de Belfort, Adolphe Baumlé ne manquait jamais de penser à eux, comme l’illustre le geste relaté par le journal Le Ralliement, journal républicain du Territoire de Belfort du 22 février 1908, où il est dit qu’Adolphe adressa, en plus d’une lettre d’excuse pour ne pouvoir être là lors du banquet fêtant le 37 anniversaire de la levée du siège de Belfort, une caisse de champagne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71939413/f2.item.r=baumle.zoom

Photo Adolphe Baumlé Photo de 1912 tiré du dictionnaire illustré de l'Ardèche et de la Drôme
Photo d'Adolphe Baumlé de 1912 tirée du dictionnaire illustré de l'Ardèche et de la Drôme.

    En 1935, avec un an d’avance on fête les 80 ans d’Adolphe Baumlé, cela donne l’occasion d’un article de journal publié dans le Petit Dauphinois le 1er mars 1935 et repris dans le Républicain de Belfort du 9 mars : https://www.retronews.fr/journal/le-republicain-de-belfort/9-mars-1935/1711/3042019/1 L’article original a l’avantage de présenter une photo d’Adolphe, ainsi que la date de l’article, le 23 février 1935 : https://www.lectura.plus/Presse/show/?id=73LPDCHAMBER-19350301-P-0003.PDF Voici l’article complet :

« Le petit clairon des Perches »

Les quatre-vingts ans du clairon Adolphe Baumlé

qui sonna l'alarme dans Belfort et sauva la ville héroïque

    Valence, 23, février. — Dimanche dernier, la société de clairons, trompettes et' tambours de St-Péray, qui a pris le nom d"« Echo de Crussol » est venu jouer une aubade à son président M. Adolphe Baumlé. Il s'agissait de lui souhaiter, en même temps que la St-Adolphe, son 80° anniversaire, avec un peu d'avance cependant. C’est le 21 avril seulement, que M. Baumlé atteindra d'un pied toujours alerte cet âge respectable.

    Aussi quand l'Echo de Crussol eut achevé son aubade :
— Vous êtes un peu pressés, mes enfants, déclara M. Baumlé, mais je suis bien content tout de même...
    Adolphe Baumlé. C'est tout un flot de souvenirs héroïques et émouvants qui s'attachent à ce nom. L'histoire, celle qu'on apprend dans les manuels, est une série de dates, de faits, de noms illustres. A côté de ce monument, il y a la passionnante histoire anecdotique ; toutes les petites histoires qui s'entremêlant, forment la trame de la grande. Adolphe Baumlé, octogénaire, toujours, vert, a vécu un épisode parmi les plus glorieux, du siège de Belfort en 1871. Il est resté auréolé d'un surnom, qui est une des marques les plus certaines de la gloire. Il est le « petit clairon des Perches » et son initiative comme son courage, sauvèrent Belfort, au cours d'une nuit froide de janvier. Il avait alors quatorze ans.

AU MILIEU DES SOUVENIRS

    Je suis allé voir « le petit clairon ». Il m’a reçu dans la grande salle de l'Hôtel de la Gare à St-Péray, qu'il exploita lui-même pendant de longues années et que son fils, aujourd'hui, fait valoir. M. Baumlé est tellement jeune, pour tout dire, que j'hésitais une seconde avant de m'adresser à lui
    C'était lui, pourtant, coiffé d'un feutre noir à larges bords, vêtu d'un complet veston à col montant, la moustache blanche relevée, avec cette élégance martiale que beaucoup regrettent aujourd'hui — et sans doute n'ont-ils pas entièrement tort — M. Baumlé me tendit une main solide et son rire sonna, juvénile. Il n'y a pas d'autre mot.
    Parvenu à ce que certains considéreraient comme le terme d'une vie bien remplie, « le petit clairon » conserve un goût de vivre dont il trouve la source dans ses souvenirs. M. Baumlé n'en manque pas. Ceux, d'abord, de sa vie d'artiste. Sculpteur sur bois, il a exécuté de fort belles pièces qui ornent nombre de châteaux et d'églises dans la région, comme d'hôtels particuliers à Paris et ailleurs.
    Dans le clair atelier, construit près des jeux de boules qui bordent l'Hôtel de la Gare, le sculpteur m'a montré ses maquettes, ses dessins.
    — Cette glace, me dit-il, elle est au château Missoten à Loriol ; cette table photographiée là, elle orne la salle d'honneur du château de Valensoles. J'ai fait ce motif sur une console destinée à Maurice Faure, vous voyez ...les cigales …
    Chaque pas évoquait un souvenir, éveillait une anecdote. J'avoue n'avoir pas caché mon émotion devant un médaillon inachevé :
    —C'était une petite bonne de café à Marseille, quand j'avais vingt ans, elle est morte brusquement de la rougeole, alors j'ai abandonné le médaillon...
     Après un silence, le sculpteur ajouta :
    — Voyez, je viens ici, m'entretenir avec moi-même.
    Mais j'avais hâte de remonter plus avant dans le passé de mon vénérable interlocuteur
    — Venez, me dit-il, et nous entrâmes dans sa chambre.

LE PETIT CLAIRON DES PERCHES

     C'est dans une sorte de musée que je pénétrais. Au mur, trônant là aussi, des pièces de sculpture, des maquettes en plâtre, des dessins ; deux portraits du maître de céans, drapé dans une cape, coiffé d'un chapeau aux bords plus larges encore que ceux d'aujourd'hui. Et puis, au-dessus d'une commode, dans un cadre de bois sculpté, un clairon sans embouchure, noirci
   
—  Le voilà, me dit simplement mon hôte, et voici ma mère.
     Le portrait d'une femme âgée, sur la poitrine de laquelle trois médailles étaient accrochées, servait de pendant au clairon glorieux.
    De la haute armoire de noyer, M. Baumlé sortit une liasse de documents. Tous avaient du prix ou de l'intérêt. La photographie d’un officier de génie, portait cette dédicace :
    « Au petit clairon des Perches qui sauva Belfort le 26 janvier 1871. »
    C'était signé : Commandant Guillaume.
    —  Le bras droit du grand Denfert !
    C'est devant ses reliques, dans cette chambre toute peuplée de fantômes que M. Baumlé m'a conté « sa nuit », celle qui l’a marqué de son ineffaçable sceau.
    — Voilà, c'était le 26 janvier 1871. Le siège durait depuis le 3 novembre 1870. Ma mère, veuve, qui tenait un petit débit de tabac-mercerie, avait installé chez elle une ambulance. Moi, l'aîné de douze enfants, j'avais à peine achevé mes quatorze ans. J'étais enrôlé dans la Garde Nationale. J'étais la plus jeune recrue, et mon fusil à piston dépassait sensiblement ma taille. Mon clairon, celui-là, ne me quittait pas.
    « Le petiot, il doit coucher avec son clairon », disaient de moi les vieux briscards de la garnison.
    « Cette nuit-là, j'avais déjà pris une fois mon tour de faction au faubourg du Fourneau et le moment vint de faire la relève.
    « J'avais à peine repris mon poste, que j'entendis un bruit sourd venant de la ligne de chemin de fer. Quelque chose se préparait là-bas. Je courus au corps de garde. J'alertais le poste et continuant mon galop dans la nuit glacée (le thermomètre marquait - 21°, je bondis chez ma mère. Nous sortîmes tous deux. La rue était calme et déserte. Ensemble nous sommes allés jusqu'à la maison Guérin au bout du faubourg du Fourneau. Soudain un obus, éclata de l'autre côté de la Savoureuse, derrière la maison Millet. En même temps deux coups de feu claquaient, venant de la direction des Perches. Nous étions arrêtés, mais notre immobilité ne dura guère.
    « C'est l'attaque, me dit ma mère, sonne du clairon, sonne ».
    « J'ai obéi, j'ai couru en sonnant l'alerte...j'ai sonné, sonné en dévalant le faubourg du Fourneau. L'attaque prussienne se précisait mais la garnison alertée avait pris les armes. Les premiers soldats français qui creusaient des tranchées au bas du fort des Perches se sont d'abord défendus avec leurs pioches. Le combat, dura jusqu'à minuit. »
    — Et le petit clairon s'était tu ?
    — Non pas, j'ai sonné la charge. J'ai suivi la contre-attaque française jusqu'au Moulin et jusqu'à minuit, j'ai sonné.
    « Quand le jour se leva huit cents Poméraniens étaient tombés sur la neige, trois cents autres furent faits prisonniers Et Belfort, une fois de plus, était sauvée. »
    M. Baumlé avait achevé son récit que je n'aurais pas osé interrompre.
    — Voilà ma nuit, ma grande nuit… Excusez-moi, mais je ne puis pas parler de ces choses sans que l'émotion me gagne...
    Qui ne le comprendrait... Ainsi, c'est le « petit clairon des Perches » qui sauva Belfort cette nuit-là, en donnant l'alarme.
    C'est au moins ce qu'a écrit le commandant Guillaume et ce que les survivants de Belfort ont transcrit sur ce document, attesté par leurs chefs. Et je crois bien c'est vrai, 25.000 Poméraniens devaient participer à cette attaque brusquée. Elle aurait enlevé les faubourgs, et après les faubourgs la ville tombait.

D'AUTRES EVOCATIONS

    J'étais avide de savoir la suite de cette image héroïque et simple.
    — Après, me dit M. Baumlé, nous ayons connu l'occupation. Vous voyez, l’embouchure de mon clairon manque, c’est qu'un sous-officier prussien l'a arrachée. Il voulait tout l'instrument, j'ai pu sauver le reste. Ma mère a été blessée d'un coup de sabre au bras, alors qu'elle protégeait un sac de pommes de terre qu'un sous-officier prussien voulait lui ravir.
    « Notre maison fut incendiée et nous sommes partis avec ma mère à Lyon. Là elle fonda un petit restaurant au numéro 10 de la rue Dubois, qui portait comme enseigne « Au souvenir du siège de Belfort ». Un obus prussien non éclaté, surmontait le panonceau. Les soldats lyonnais que ma mère avait soignés durant le siège, lui assurèrent une clientèle. Pendant ce temps je faisais mon tour de France, pour me fixer enfin ici, où je suis devenu, à la fois sculpteur et hôtelier à la suite de mon mariage. Ma mère est morte ici, c'est à St-Péray qu'elle repose. »
    Longtemps encore nous avons devisé devant une coupe de St-Péray. Tel un vivant recueil d’anecdotes, M. Baumlé faisait dérouler devant moi, le film de sa longue et laborieuse vie.
    — Savez-vous, me dit-il, que depuis 1907, mon dossier est à la grande Chancellerie de la Légion d'Honneur ? Il doit être bien placé, car on n'en a plus jamais entendu parler !
    C'était dit sur un ton plaisant, qui ne cachait, j'en répond, aucune amertume.
    Je répète ici, à mon tour, mais non pas seulement sur le mode badin.
    — Monsieur de grand Chancelier, vous dont c'est le rôle de discerner le courage, la noblesse, la vertu là où ils sont, ne pourriez-vous pas rechercher le dossier du clairon Baumlé qui sauva Belfort par une nuit froide de janvier, alors qu'il avait tout juste 14 ans ? — CH. L.

    Par rapport au témoignage de 1908 dans le Vétéran, on a quelques précisions en plus sur la vie d’Adolphe Baumlé après son départ de Belfort, l’adresse à Lyon est précisée, au N°10 de la rue Dubois. Son métier de sculpteur sur bois et son tour de France, sans doute comme compagnon du devoir avant de s’installer à St-Péray. Le décès de sa mère et son inhumation à St-Péray. Son attente depuis 1907 de l’attribution de la légion d’honneur.
Pour le récit de son action lors de la bataille des Perches du 26 janvier 1871, peu de chose de nouveau, à part une erreur incompréhensible, Adolphe se dit « l'aîné de douze enfants », alors qu’il n’est même pas l’aîné de la fratrie Baumlé comprenant 4 enfants, qu’on retrouve d’ailleurs dans le recensement de Lyon de 1872, au 10 rue Dubois : https://archives.rhone.fr/ark:/28729/6cp0hfkrd1q2/9ce6ca94-9b02-43e1-a818-c89115b6827b
Une précision tout de même, on le savait enrôlé comme clairon volontaire, on apprend ici, qu’il était engagé dans la garde nationale. C’est surement pour cela que je ne le trouvais pas dans les registres de matricules de l’année 1870-1871 de Belfort. D’autres registres doivent exister pour la Garde Nationale, non consultables en ligne.
    Par contre, on retrouve bien Adolphe Baumlé dans un registre de matricules, celui de sa classe 1876, mais à Lyon : https://archives.rhone.fr/ark:/28729/wqz0935dntm2/5dbf53b2-e1b0-4407-a81b-57c6f8e20adb
Il n’y est pas fait mention de ce qu’il a pu faire lors du siège de Belfort. On apprend juste qu’il a été dispensé de sa période active en tant que fils aîné de veuve. Qu’il habitait à Valence dans la Drôme lors de sa conscription en 1876, et qu’il a résidé également à Marseille.

Extrait matricule Adolphe Baumlé 1876 Lyon

    On remarque, grâce à ce témoignage, qu’Adolphe a toujours en possession son fameux clairon, fixé dans un cadre en bois. Il n’hésitait d’ailleurs pas à l’exposer, comme le signale le journal de Tournon du 4 septembre 1910. Accroché à côté d’une estrade, lors de la fête annuelle des anciens mobiles du Rhône à Lyon, le 15 aout 1910 : https://archives.ardeche.fr/ark:/39673/vta08a398a3e250688d/dao/0/2

    Plus haut je posais la question de savoir jusqu’à quelle date il avait résidé à Saint-Péray. La réponse est jusqu’à sa mort. En effet, le 16 septembre 1938, l’Éclair Comtois annonce son décès parvenu le 14 septembre 1938 à St-Péray à l’âge de 83 ans : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k93122464/f1.item.zoom
Quelques jours plus tard, le 20 septembre 1938, le journal belfortain La Frontière lui rend hommage. Une photo d’Adolphe Baumlé adressée par lui-même en 1930 est publiée à cette occasion : https://archives.territoiredebelfort.fr/ark:/12997/2dnqjlp8x6k1/25ffe59a-1fec-43ca-96fe-e3707929fb6f

Photo Adolphe Baumlé La Frontiere 20-09-1938

    Adolphe Baumlé est inhumé dans le cimetière communal de St-Péray, dans le caveau familial de la famille Fabry-Baumlé, La preuve m’en a été donné par l’envoi d’une photo de cette tombe familiale par la mairie de St-Péray, que je remercie vivement ici. On y retrouve également sa femme morte le 8 janvier 1919, son fils Rodolphe mort en 1937, et à priori, 3 autres enfants décédés dans les années 1970. Par contre on ne trouve pas mention de la mère d’Adolphe qu’on sait inhumer dans le même cimetière, probablement qu’elle doit avoir, ou avoir eu, une tombe individuelle au nom de Catherine Stirnemann.
    Sur l’extrait photographique ci-dessous, on peut voir le nom d’Adolphe Baumlé gravé. Mais aucune épitaphe supplémentaire rappelle son rôle lors du siège de Belfort en 1871. Dommage, on aurait pu ajouter : « dit le petit clairon des Perches, héros du siège de Belfort en 1871 », mais il est vrai que l’année de sa mort, cela faisait 67 ans que le conflit Franco-Prussien avait eu lieu, une autre guerre plus importante avait marqué les esprits.

Extrait tombe Adolphe Baumle

 

    A noter qu’une rue de la commune de St-Péray porte son nom depuis le début des années 2000.

Panneau rue Adolphe Baumle

    Pour finir, je serais curieux de connaitre la destinée de son clairon, Adolphe Baumlé l'a-t-il emporté dans sa tombe, est-il en possession de ses descendants, ou a t'il disparu ?
Dernière possibilité, il est exposé dans un lieu particulier, un musée peut-être. Si ce n'est pas le cas, il mériterait d'être exposé au musée d'histoire de la ville de Belfort.

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