Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Méli-Melo Belfort
7 janvier 2024

La Fête de l'Épiphanie à Belfort et dans son Territoire.

    Traditionnellement, on fête l'épiphanie ou la "fête des rois" le 6 janvier, ou le 1er dimanche après le 1er janvier. Je ne vais pas vous faire un historique de cette fête, vous pouvez en retrouvez un bon résumé ici. Je vais juste faire l'écho de cette tradition à travers ce que j'ai pu en retrouver dans les anciens journaux locaux.

    Dans le journal de Belfort et du Haut-Rhin du 17 janvier 1874, on peut lire :

    "— La fête des rois, qui était presque tombée en désuétude sous l’Empire, s’est réveillée sous la République ; elle a été copieusement célébrée cette année, à peu près partout. Nous avions cru que notre ville était une exception, et nous avions omis de mentionner l’immense quantité de gâteaux des rois fabriqués par nos boulangers, et dont pas un seul n’est resté sur les rayons des magasins. Mais nous voyons dans nos correspondances et nos journaux que le même fait s’est produit à peu près partout, et particulièrement à Paris, la ville qui a chassé les rois et les a même un peu guillotinés. On n’aurait jamais cru qu’il y eût tant de gens aspirant à la couronne et désireux de trouver une fève sous leurs dents en mangeant du gâteau. Après tout, c’est peut-être par esprit d’opposition ou pour entendre dire que le roi boit un coup. Les Français sont si malins."

    Que l'Empereur ait été peu enclin a fêté une tradition qui met en valeur d'autres monarques que lui, cela se comprend, mais cela n'explique pas pourquoi celle-ci était tombée en désuétude et pourquoi elle se serait réveillée sous une régime républicain régicide.
    Les boulangers ne seraient-ils pas à l’initiative de ce renouveau ?

    Le jour des rois est fêté en 1889, telle que nous le rappelle le journal le Ralliement du 10 janvier 1889 :

    "Le jour des Rois. — Cette année, le jour des rois tombant un dimanche, on a partout profité de cette coïncidence pour se réunir en famille afin de manger le gâteau traditionnel. Aussi, ç’a été une journée de grand travail pour les pâtissiers et les boulangers.
    Faisons remarquer que presque tous sont revenus au vieil usage qui consiste à introduire une simple fève entre les feuillets de la galette. Certains novateurs avaient voulu à un moment la remplacer par une petite poupée ou un bibelot quelconque, mais l’expérience n’a pas réussi, et la fève chère à nos ancêtres est rentrée en faveur."

    On remarque que l'on parle ici de galette et pas uniquement de gâteaux des rois comme en 1874. Ce qui veut pas dire qu'en 1874, il n'y avait pas déjà des galettes. L'on s'aperçoit également qu'il y avait eu une tentative de remplacer la fève traditionnelle (la graine du légume ou une fève en porcelaine ?) par un bibelot, ce qui n'avait pas pris à Belfort, mais ce qui sera partie remise.

    Toujours dans le Ralliement, celui du 7 janvier 1891, les rois :

    "Les rois. — C'était hier l’Épiphanie, le jour des rois. Magi venerunt.
    Cette fête toute familiale, a résisté aux siècles, aux révolutions et au scepticisme qui a détruit tant d’autres usages et presque toutes les vieilles coutumes.
    Les rois de France en 1891 !
    Des rois, dont la puissance cause la joie de tout le monde, qui ne font couler ni des larmes ni du sang, qu'on proclame en chantant et qui remettent le pouvoir, au bout de quelques heures, au milieu des éclats de rire et des gais refrains : voilà les monarques que nous aimons tous et que nous acclamons de bon cœur en levant franchement notre verre pour porter leur santé et boire à leur prospérité.
    Hier, nous avons vu les trois rois circuler dans nos rues, coiffés de la mitre légendaire et revêtus du costume blanc ou bleu constellé d'étoiles. Aux portes où ils carillonnaient, on les entendait chanter :

    De très loin nous sommes venus
    Pour adorer l'enfant Jésus.

    Dans la plupart des familles belfortaines, la fête a été célébrée, comme c’est l'habitude. Et maint roi tenant d'un grain de haricot son pouvoir éphémère, a pu dire comme Béranger.

    Grâce a la fève je suis roi.
    Nous le voulons, verser, à boire,
    Ça, mes sujets, couronnez-moi,
    Et qu'on porte envie à ma gloire !"

Les rois mages - Mosaique de la Basilique Sant'Apollinare de Rome
Les rois mages - Mosaïque byzantine du 6-7e siècle de la Basilique Sant'Apollinare (Saint-Apollinaire) de Rome.

    On apprend qu'il était coutume que certains se costument en rois mages pour faire le tour des maisons. Pour quémander des offrandes ?

    Une variante de la chanson des rois mages dans le Ralliement du 7 janvier 1892 :

    "Les Rois. — C'était hier le jour des Rois. On l’a fêté dans nombre de familles belfortaines où la fève a été en honneur pour quelques instants.
    Dans les rues, des monarques en guenilles chantaient la vieille complainte :

    Trois rois nous sommes rencontrés,
    Venant tous de divers côtés,
    Tout trois sommes ici venus,
    Pour adorer l’enfant Jésus."

    Dans le journal le Ralliement du 10 janvier 1895, toujours les rois :

    "Les Rois. — Dimanche, nous avons vu circuler quelques rois mages, en miniature, passablement loqueteux. Le soir, les boulangeries envoyaient partout leurs brioches.
    Dans bien des familles, ça été le prétexte d’une réunion où a été proclamée la royauté de la fève, au bruit des rires et et des cliquetis de verres.
    Comme toujours, la part du pauvre était réservée. Touchant usage, qui fait honneur à l’esprit de charité du pays. 

    Entre guenilles et loqueteux, cela ne fait pas très rois ! On suppose, si ce n'est une forme d'ironie, que des pauvres, adultes ou enfants, profitaient de cette fête pour recevoir quelques subsistes ou alors, la fameuse part du pauvre dont on parle.

    Le Ralliement du 9 janvier 1896, nous donne une tradition dans la tradition, et une croyance liée à cette tradition :

    "Les rois. — C’était lundi le jour des rois, et dans toutes les familles on s’est partagé la galette légendaire qui contient la fève. On sait les joyeuses scènes aux quelles donne lieu le toast obligatoire du roi terminé invariablement par les cris de « le roi boit ».
    D’après une vieille tradition populaire, la jeune fille qui a eu la fève se mariera dans l’année. Le moyen employé pour trouver l’époux désiré est très simple.
    A minuit sonnant, au moment où commence le jour de la tête des Rois, prendre une paire de bas de soie noire, les placer en croix sur un miroir, puis mettre le tout sous son traversin, ainsi qu’une carte sur laquelle on a écrit, avec une plume liée au quatrième doigt de la main gauche, le jour et l’heure de sa naissance, l’âge de la lune et le nom de l’étoile du matin. Déshabillée, un pied posé sur le bord du lit, lequel doit être un lit en bois, prononcer tout haut cette invocation :

    Je mets le pied sur l’anti-bois ;
    Je me couche au nom des trois Rois,
    Je prie Gaspard, Melchior et Balthazar
    De me faire voir
    En mon dormant
    Le mari que je dois avoir
    En mon vivant.

    Ensuite on se couche sur le côté gauche et l’on voit en dormant le mari que l’on doit avoir — si quelque mauvais esprit n’y apporte entrave."  

    Je suis curieux de savoir ce que pouvait boire les enfants ayant gagné la fève.
    Je ne connaissais pas la tradition populaire liée à la fête des rois, mais vu le cérémoniale à faire, cela rendait le mariage dans l'année bien incertain !

    Où l'on apprend que la fève traditionnelle a été remplacée par celle en porcelaine en forme de petits Jésus, le Ralliement du 11 janvier 1901 :

    "Royauté éphémère — La gâteau des Rois, autour de sa croûte appétissante et dorée — et mystérieuse aussi, puisqu’elle recèle le petit bébé ou la fève de porcelaine sur lesquels, parfois, on s’ébrèche si bien une dent — a réuni dimanche les familles nombreuses où persistent les vieilles traditions.
    Celle ci, l’une des plus gaies des fêles familiales, est de celles qu’on ne se décidera pas facilement à abandonner. Elle plaît par son caractère d’intimité et, surtout par son gâteau à surprise qu’on mange en s’observant du coin de l’œil pour voir la mine que va faire celui ou celle que le hasard appelle à la « Royauté » d’un moment.
    Et le roi boit, au milieu des rires !
    Les boulangers offrent, ce jour-là, à chacun de leurs clients, une galette contenant le fameux bébé de porcelaine qui a remplacé la fève d’antan… que les avares avalaient pour ne pas offrir à leur tour un gâteau, le dimanche suivant."

Fèves petit Jésus
Exemples de fèves de la nativité, enfant Jésus.

    Du fait des lacunes journalistiques en ligne et/ou de l'absence dans les journaux présents, il faut faire un saut de plus de 30 ans dans le temps pour que je retrouve mention des Rois, journal le Républicain de Belfort du 10 janvier 1934 :

    "LES ROIS ! — Avant guerre, l’Épiphanie ou Fête des Rois, était chez nos voisins de Boncourt une journée de grandes réjouissances.
    Avec les hostilités et les temps d’après guerre elle fut presque entièrement oubliée et depuis longue date on ne parlait plus des « Rois ». Seuls les vieux aimaient à évoquer le souvenir de cette journée.
    Mais voici qu’en cette soirée du 6 janvier 1934 on voyait apparaître dans les cafés de notre ville des groupes de trois jeunes gens vêtus d’un manteau royal et coiffés de couronnes, le plus grand tenant à la main un sceptre doré se terminant par un moulin qu’il faisait marcher tandis que le groupe entonnait :
    « Trois Rois nous sommes rencontrés
    « Venus de divers côtés. »
    Et le cadet de tendre à chacun sa cassette pour recueillir ce que les bons cœurs voulaient bien lui donner.
    Cette reprise des vieilles coutumes d'antan, dans notre région frontière n’a pas manqué d’émerveiller bon nombre de nos concitoyens, surtout les jeunes, qui ne s’attendaient pas à pareille surprise soit à l’heure de l’apéritif, soit dans la soirée.
    Félicitons les petits rois de Boncourt d’avoir repris cette charmante coutume et d’être venus à Delle chanter partout qu’ils s’étaient joyeusement rencontrés."

    A en croire le journal, la première guerre mondiale avait fait disparaître la tradition de l’épiphanie dans le Territoire ou tout du moins à Delle, et elle tentait un retour en 1924 depuis la Suisse voisine. Et les 3 rois mages déambulant dans la ville faisaient la quête parmi la population delloise.

    Heureusement, cette tradition a fini par bien revenir chez nous, et à perdurer jusqu'à nos jours, peut-être un petit peu différente, mais toujours avec la galette et la fève, mais malheureusement sans les rois mages pour nous rappeler que c'est bien eux que l'on fête, et Jésus à travers eux, et non d'autres rois, comme les rois de France.   

Publicité
Publicité
Commentaires
Méli-Melo Belfort
  • Ce blog veut, de façon hétéroclite, mettre en lumière des faits, événements et autres informations historiques, géographiques et culturels sur Belfort et son Territoire, collectés en majorité sur des anciens journaux, revues et livres.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Newsletter
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 688
Publicité