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Méli-Melo Belfort
28 janvier 2024

Jean Baragau et la dame de Florimont.

   En 1847, Henri Bardy avait, dans la Revue d'Alsace, écrit un article sur la légende de "La dame de Breyva". Il y exhortait à collecter les vieilles légendes des environs de Belfort. En 1852, il récidive, en écrivant, toujours dans la Revue d'Alsace, un appel à sauvegarder les légendes à demi oubliées, notamment dans les cantons de Belfort, Delle, Fontaine et Giromagny, partie de l'Alsace qui diffère nettement du reste de cette région. Ce qui tend à montrer, que même si son territoire n'a jamais été défini clairement, ni légalement, ni géographiquement, le Territoire de Belfort, existait bien avant 1871 ou 1922 (Date "officielle de création). Dans le même article, il présente 2 courtes légendes : Celle de Jean Baragau à Meroux, et celle de la Dame de Florimont.

JEAN BARAGAU ET LA DAME DE FLORIMONT

    Les lecteurs de la Revue auront lu avec plaisir l'intéressant article de M. Aug. Stœber sur la Mythologie des animaux fantômes de l'Alsace ; les vieilles légendes nous effraient lorsque, enfant, nos grand'mères nous les content pendant les longues veillées d'hiver ; elles nous amusent encore par leur naïveté et leur poésie lorsque nous avons dépassé l'âge heureux des illusions, mais surtout elles sont pour le penseur un profond sujet de méditation. Sous son enveloppe parfois fantastique, toujours poétique, la tradition populaire bien souvent cache le caractère primitif de toute une nation, sa religion et ses croyances, ses mœurs et ses coutumes, son instinct artistique, et son histoire. Elle nous ramène à ce qu'il y a de plus intime dans la pensée de l'homme, à l'objet de son premier culte.
     Aujourd'hui ces légendes tendent à se perdre chaque jour davantage. Peu de vieilles gens restent encore avec le souvenir de ces traditions : elles se taisent, elles ne content plus, car elles craignent de voir un sourire moqueur sur les lèvres de leurs auditeurs. L'incrédulité, le scepticisme nous gagnent de plus en plus ; nous jetons au vent les lambeaux épars de cette vieille littérature de nos pères ; nous sommes portés parfois à nous moquer de leurs croyances si superstitieuses. Amis de l'homme primitif et de ces symboles de la poésie de son âme, hâtons-nous de recueillir tous ces débris ; glanons dans chaque village ; interrogeons le paysan afin de mieux connaître ses antiques croyances ; faisons pour notre beau pays d'Alsace ce qu'ont fait Villemarqué, Emile Souvestre et Brizeux pour la Bretagne, Marmier, Demesmay et D. Monnier pour la Franche-Comté, imitons, enfin, M. Stœber dans ses consciencieuses recherches sur nos vieilles traditions alsaciennes.
     Il est une partie de l'Alsace dont M. Stœber ne parle point, ce sont les cantons de Belfort, de Delle, de Fontaine et de Giromagny, là où le vieux patois roman est encore en usage, où les mœurs sont si différentes de celles du reste de l'Alsace, et ressemblent plutôt à celles de la Franche-Comté. Nos cantons, il est vrai, tout en faisant, d'après la géographie politique, partie de l'Alsace, en diffèrent néanmoins essentiellement ; il est facile d'apprécier cette différence si bien tranchée. Nous faisons partie du bassin du Rhône, quoique nous soyons à une faible distance du Rhin. Nous sommes par rapport à l'Alsace dans la même position géographique que la Savoie par rapport à l'Italie.
     Notre pays est fécond en antiques légendes, en traditions populaires ; mais par malheur, elles sont plus qu'à demi oubliées. Et pourtant quel beau terrain à défricher. Chacun de nos vieux châteaux a sa dame-blanche qui, pendant les nuits orageuses, apparaît au milieu des ruines, en attendant l'heure du jugement dernier ; chacun de nos marais a son feu-follet, dont la flamme tremblotante égare et attire au milieu des eaux les voyageurs attardés. Chaque lieu inculte et triste, couvert de genêts et de bruyères, est le rendez-vous de la Haute-Chasse, où le diable en personne vient, dit-on, présider le sabbat des sorcières.
     Nous avons aussi nos animaux-fantômes, nos bêtes ensorcelées, vouées au diable et au sabbat, et sans parler du cheval, du loup-garou et de bien d'autres encore, nous allons essayer de dire un mot du lièvre, de l'habillé de soie et surtout du chat, trois animaux qui jouent un grand rôle dans les croyances superstitieuses de la campagne.
     Mais gardons-nous bien aussi d'oublier le barbet aux longs poils noirs. Ceux qui ont lu Faust, ce chef-d'œuvre de Gœthe, où se reflète si admirablement le génie rêveur de nos voisins de la Germanie, savent quel rôle le barbet joue dans la mythologie allemande. Quand le mauvais esprit, le bœse Feind [böse Feind], apparaît aux pauvres mortels pour leur tendre des pièges et les faire tomber en son pouvoir, c'est presque toujours sous la forme d'un barbet noir. Témoin le docteur Faust à qui il apparut un dimanche, un jour de Pâques, je crois, à la promenade.
     Regarde, dit Faust à son serviteur Wagner qui l'accompagnait, vois tu ce chien noir errer au travers des blés et des chaumes ?
     — Je le vois depuis longtemps, répondit Wagner, il ne me semble rien offrir d'extraordinaire.
     — Considère-le bien ; pour quoi prends-tu cet animal ?
     — Pour un barbet qui cherche à sa manière la trace de son maître.
     — Remarques-tu comme il tourne en spirale, en s'approchant de nous ? Et si je ne me trompe, il traîne derrière ses pas une trace de feu.
     — Je ne vois rien qu'un barbet noir ; il se peut bien qu'un éblouissement abuse vos yeux.
     — Il me semble qu'il tire à nos pieds des lacets magiques, comme pour nous attacher.
     — Je le vois incertain et craintif sauter autour de nous, parcequ'au lieu de son maître, il trouve deux inconnus.
     — Le cercle se rétrécit, déjà il est proche.
     — Vous voyez ! ce n'est là qu'un chien, et non un fantôme. Il grogne et semble dans l'incertitude ; il se met sur le ventre, agite sa queue ; tout selon l'habitude du chien.
     — Accompagne-nous ; viens ici.
     — C'est une folle espèce de barbet. Vous vous arrêtez, il vous attend ; vous lui parlez, il s'élance à vous ; si vous perdez quelque chose, il le rapportera et sautera dans l'eau après votre canne.
     — Tu as raison, je ne remarque en lui nulle trace d'esprit, et tout est éducation.
     Le barbet noir qui étonnait tant Faust n'était autre que Méphistophélès, l'esprit du mal.
     Maintes fois l'habitant des campagnes rentrant chez lui, préoccupé des soucis du jour, le rencontre avec effroi sur son chemin, le plus souvent au coin d'une forêt. Le pressentiment de quelque malheur s'empare de son âme et si une peine nouvelle vient s'ajouter à ses soucis l'apparition ne manque pas d'en avoir été le pronostic.
     Le lièvre, cet animal si craintif, qui tremble à la vue de son ombre, cache quelquefois l'âme d'une méchante sorcière. Un paysan de Novillars, village des environs de Belfort, voyait chaque soir un gros lièvre errer non loin de sa demeure; il se mit à l'affût dans l'espoir de le prendre, et une belle fois, il le blessa d'un coup de fusil à la droite de devant. Le lièvre s'enfuit, clopin-clopant, se cacher dans les broussailles de la forêt voisine, et on ne le revît plus de toute la soirée. Le lendemain matin, on s'aperçut que la voisine du paysan, vieille méchante femme, dont on se méfiait beaucoup dans le village, avait le bras droit en écharpe. Elle fut depuis regardée, dans tout le canton, comme sorcière, et cela avec raison, car elle l'était en effet.
    Cet animal immonde qui se nourrit de glands ne devait pas non plus échapper aux croyances superstitieuses des gens de la campagne. Il est trop laid, trop disgracieux, pour que l'on ne se soit pas imaginé que tout méchant revenant apparaissait sous sa forme. Autour de Meroux et de Moval, Jean Baragau, le fantôme par excellence de ce canton, revient sous la forme d'un gros porc noir. Un homme a affirmé l'avoir vu un soir qu'au retour de la chasse, il traversait avec un compagnon le bois de la Bresse. Ils aperçurent de loin un porc noir qui se promenait dans les champs. Comme ils n'avaient pas fait bonne chasse et que leurs carnassières étaient on ne peut plus plates, ils rencontraient fort à propos un semblable gibier. L'un d'eux ajuste le porc, malgré les instances de son camarade qui disait que sa grand'mère avait raconté très-souvent comment Jean Baragau revenait parfois dans les champs sous la forme d'un habillé de soie. L'autre, intrépide comme doit l'être tout bon chasseur en présence d'un aussi succulent gibier, ne tint nul compte de ces remontrances, disant que ce n'était que des contes de vieilles femmes ; il mit en joue et lâcha le coup. Le plomb était à peine hors du canon du fusil que déjà le porc avait disparu et que le chasseur tombait à la renverse raide mort. Il avait payé cher son intrépidité. Son camarade, effrayé, ahuri, s'enfuit à toutes jambes au village. Le lendemain, ses cheveux étaient aussi blancs que la neige, tant avait été grande sa peur. Il raconta depuis (et il faut l'en croire, car il passait partout pour un parfait honnête homme), qu'au moment où le porc disparaissait, une grande ombre noire, qui n'était autre que celle de Jean Baragau, avait frappé son compagnon et l'avait assommé.
     A Foussemagne et à Cunelières, de vieilles gens racontent aussi que les revenants prennent quelque fois la forme du cochon. Mais la tradition n'en dit pas aussi long sur lui que sur le chat. C'est l'animal diabolique, fantastique au suprême degré ; la bête-sorcière par excellence. Quand un chat vous regarde fixement, la nuit, avec ses yeux verts étincelants, l'on ne peut se garder d'un certain petit mouvement d'effroi. Il semble qu'il y ait dans ces yeux de feu, qui sont comme deux escarboucles, quelque chose de surnaturel. Aussi comprend-on bien le rôle qu'il joue dans les superstitions du peuple. On raconte dans toute l'Allemagne une foule de légendes dans lesquelles on voit le diable ou les sorcières se métamorphoser en chat. Il existe aussi dans notre pays d'Alsace de semblables traditions. La plus belle, la plus fantastique, et peut-être la moins connue est la suivante que l'on m'a conté un jour à Florimont, charmant village du canton de Delle.
     Un beau matin, le seigneur de Florimont se promenait dans ses domaines. En côtoyant la rivière qui passe non loin de son château, il vit un endroit où l'eau se précipitait d'un peu haut et formait une chute capable de mettre en train le plus beau moulin du monde. Voilà un lieu bien favorable pour l'établissement d'un moulin, se dit-il, je veux en faire construire un. Il remonta au château et communiqua à sa femme le projet de construction qu'il avait en tête.
     La dame de Florimont n'approuva pas ce projet qu'elle traita d'entreprise inutile, ridicule. Elle chercha par tous les moyens possibles à dissuader le châtelain ; mais lui, en voyant qu'elle ne donnait aucune raison plausible, et peut-être bien aussi par esprit de contradiction, tint bon et donna aussitôt ses ordres pour la construction. Bientôt, au bord de la rivière, maçons, charpentiers, menuisiers, gâchaient, plâtraient, tapaient, sciaient, allaient et venaient, si bien, qu'au bout de quelque temps, le moulin était achevé et il ne s'agissait plus que de lui trouver un meunier. Il s'en présenta un qui fit son marché avec le seigneur et qui, dès le même soir, s'installa dans le moulin, leva les vannes et mit les roues en train. Le lendemain, de bon matin, le châtelain de Florimont descendit du château et se dirigea vers le moulin pour voir comment le meunier avait passé la nuit. La porte du moulin était fermée en dedans. Il appela, cria, frappa ; pas de réponse. Il fallut enfoncer la porte. Quel ne fut pas l'étonnement du seigneur quand il vit le meunier étranglé au milieu du poële. On ne sut à quoi attribuer cet événement. Au bout de quelques jours, un second locataire se présenta, fit son bail, s'installa aussi un soir et, le lendemain matin, fut trouvé mort. Quatre autres meuniers eurent le même sort. On ne savait que penser de choses aussi extraordinaires. Etait-ce des brigands qui infestaient alors le Jura, ou bien le diable et sa haute-chasse.

Florimont(90) - La Tour
Florimont (90) - La Tour, vestige du château. AD du Territoire de Belfort.

     Dans tous les cas, le moulin était ensorcelé. Un assez long temps s'écoula sans qu'un locataire se présentât. On craignait d'approcher un pareil endroit, et dans tout le pays, il ne s'en trouvait pas un assez courageux pour oser passer, le soir, dans la clairière, non loin du moulin. Enfin, au moment où l'on y pensait le moins, un homme vint au château et demanda à s'arranger pour la location du moulin. C'était un Allemand, gros et lourd gaillard. Le châtelain ne voulut plus entendre parler de bail ; il dit qu'il ne tenait pas à avoir sur la conscience la mort d'un septième, et qu'il préférait laisser tomber en ruine ce moulin maudit. L'Allemand persiste, disant qu'il ne voyait dans tout cela rien de surnaturel et que, dans tous les cas, il se chargeait d'y passer la nuit bel et bien, mais à la condition qu'on mettrait à sa disposition six jattes de lait, une miche de pain, un bon morceau de fromage et une petite hache-à-main bien aiguisée. Voyant que le nouveau meunier était bien décidé à prendre possession du moulin, le seigneur l'accepta comme locataire et lui fit donner tout ce qu'il demandait. L'intrépide Allemand procéda aussitôt à son installation et, dès le même soir, le bruyant tic-tac, si longtemps arrêté, se faisait entendre de nouveau aux oreilles étonnées des paysans du voisinage. Le meunier fit tous ses préparatifs pour passer une bonne nuit, disposa à terre ses six jattes de lait, mit la hache à sa portée en cas de danger et se mit à manger son pain et son fromage avec la plus parfaite tranquillité.
     Tout-à-coup, au moment où minuit sonnait au clocher de Florimont, la porte du moulin s'ouvrit et un gros chat blanc entra dans le poële ; il était suivi de cinq autres aussi blancs que s'ils eussent été couverts de farine. L'air vibrait encore du dernier coup de minuit quand un septième chat, tout noir et plus gros encore que les autres, franchit le seuil de la porte. Il s'arrêta et miaula : Êtes-vous tous ici ? Les chats blancs ne répondirent pas ; ils étaient trop occupés à laper leur lait et ne faisaient pas attention aux commandements de celui qui paraissait leur chef. Ne recevant aucune réponse de ses camarades, le gros chat noir sauta au cou du meunier qui promptement saisit la hache et lui coupa d'un coup la patte droite de devant. Aussitôt l'apparition s'évanouit. Le meunier regarda autour de lui, et à ses pieds, il vit avec surprise la patte du chat qui s'était transformée en tombant en une belle petite main blanche de femme. Au même moment, on frappa à la porte. Le meunier alla ouvrir. C'était le seigneur de Florimont qui, interrompant son sommeil, s'était relevé pour aller voir au moulin si son locataire vivait encore. Il fut bien étonné de le voir sain et sauf, et bien plus encore de l'entendre raconter l'effrayante apparition de minuit. Pour preuve, le meunier montra la main qui, toute saignante, gisait au milieu de la chambre. Le seigneur se pencha pour mieux voir et pâlit en apercevant une bague à l'index de cette main. Le chaton de la bague était gravé aux armes du comte de Florimont. Le seigneur, hors de lui, quitta le moulin, remonta au château le plus vite qu'il pût et courut à l'appartement de sa femme. Une chambrière l'arrêta en lui disant que la châtelaine reposait et qu'il ne fallait pas la réveiller. Le comte entra bon gré malgré et trouva la dame de Florimont couchée. Elle était pâle et dit à son mari que se trouvant un peu malade elle désirait rester seule. Le comte furieux lui demanda la main pour lui tâter le pouls et voir si réellement elle avait la fièvre. La châtelaine hésita, devint plus pâle encore ; lui, ne pouvant plus se contenir, rejeta en arrière les draps du lit. Un horrible spectacle se présenta à ses yeux et le fit reculer. La châtelaine avait la main droite toute fraîchement coupée....
     Quelques jours après, la dame de Florimont était jugée, condamnée et brûlée sur la place de Delle comme sorcière et male femme.
     Cette légende de la châtelaine de Florimont a plusieurs points de commun avec quelques traditions alsaciennes et allemandes rapportées par M. Stœber. Elle montre encore combien est répandue cette croyance de la métamorphose des sorcières en chat. A Florimont, c'est aussi dans un moulin qu'a lieu l'apparition , aussi effrayante que celles qui épouvantaient si fort les garçons meuniers du moulin entre Niederbronn et Gundershoffen, aussi fantastique que celles qui, à l'heure de minuit, troublent certains moulins de la Saxe et de la Thuringe.
     Je ne sais pourquoi le diable a choisi de préférence les moulins pour théâtre de ses maléfices et de ses sorcelleries. Est-ce parce que ordinairement les moulins sont situés dans des lieux isolés, éloignés de toute habitation ? Est-ce parce que le monotone tic-tac, le bruissement non moins monotone de l'eau, trouble le calme de la nuit et peut provoquer parfois des idées tristes ? Quelle position plus sauvage et plus mélancolique que celle du Moulin-des-Bois, et quelle impression ne doit pas faire sur l'esprit du voyageur attardé ce bruit retentissant, au milieu de la nuit, dans les profondeurs de la forêt ? Bien triste aussi est le moulin des Beusses, aux alentours duquel s'allument sans cesse des feux-follets qui tremblotent et courent dans les prairies marécageuses pour égarer, par leur trompeuse lueur, le voyageur trop confiant..... Méphistophélès : « .....J'en vois un qui brûle gaîment. Hé da, l'ami ! Oserais-je t'appeler à nous ! Pourquoi briller ainsi en vain ! Aie la bonté de nous éclairer jusques là-haut ! » — Le feu-follet : « Mon respect pour vous m'aidera, je l'espère, à dompter mon naturel léger ; d'habitude notre course ne va qu'en zig-zag. » — Méphistophélès : « Aï, aï ! il pense à imiter l'homme ! Qu'il aille droit, au nom du diable ! ou j'éteints d'un souffle sa vie flamboyante ! » — Le feu follet : « Je le remarque bien, vous êtes le maître de la maison et je veux volontiers m'accommoder à vous. Cependant, songez-y ! la montagne est aujourd'hui folle d'enchantements ; et si un feu-follet doit vous montrer votre chemin, il ne faut pas y regarder de si près. »
     Quel humain suivrait de confiance un tel guide, qui craint d'égarer son seigneur et maître, le diable en personne !
     De même aussi que le moulin est quelquefois ensorcelé, de même aussi ses hôtes sont plus ou moins possédés du diable. On sait quel rôle joue le meunier dans les traditions et les croyances bretonnes. On croit à ses relations avec le diable comme on croit aux chats courtauds des clairières, ou aux korils qui sautillent en rond autour des croix de granit, dans les grandes landes. Il en est de même chez nous. Jean Baragau, qui revient à Moval et Meroux, avait été meunier de son vivant, il y a de cela bien longtemps. Son moulin fut détruit, et, comme il avait entretenu des liaisons avec l'esprit des ténèbres, son âme, tourmentée par les remords, fut condamnée à revenir errer sur la terre, sans trêve ni repos, jusqu'au jour du jugement.
     Je ne parlerai pas des autres bêtes-fantômes, créatures fantastiques dont s'effrayaient tant l'imagination des paysans de nos environs, ni de ces animaux funèbres, ornements obligés de toute haute-chasse, tels que la lugubre chouette dont le cri annonce la dernière heure des agonisants ; le nocturne hibou, dont le plaintif hou-hou accompagne la voix sinistre et les rires sardoniques des sorcières ; la vilaine chauve-souris qui vole lourdement autour des feux rougeâtres du sabbat et épouvante la flamme de ses grandes ailes aux ongles noires. Recueillons une à une chacune de ces légendes, chacune de ces croyances ; fouillons les vieilles chroniques, et montrons au peuple, qui maintenant s'instruit et s'éclaire, quelques traces de son antique poésie, quelques débris de son histoire primitive.

H. BARDY.

    Par curiosité, j'ai cherché, généalogiquement, des éventuels Baragau à Meroux. Il n'y en a pas, et il n'y en pas plus dans le reste du Territoire de Belfort. On trouve des variantes comme Baragaud ou Barragaud dans le reste de la France, notamment en Dordogne. Il est fort possible que la légende d'origine vienne d'ailleurs et qu'on en ait gardé le nom du principal protagoniste.

    En ce qui concerne le moulin de Florimont, je n'en ai pas trouvé trace sur le cadastre de 1824 disponible sur le site des archives départementales en ligne. Il n'existait probablement déjà plus à cette époque, ou alors il n’apparaît pas clairement nommé sur le cadastre. Sur les vues satellites actuelles de Florimont, on aperçoit un canal du moulin qui serpente depuis la Suisse proche, jusqu'au moins Delle. Il devait desservir toute une chaîne de moulins sur son parcours. Sur l'extrait suivant du cadastre de Florimont, on voit à droite une grande parcelle nommée "Sous le Moulin", ce qui montre qu'il devait y avoir un moulin situé topographiquement au-dessus de cette parcelle. Celle-ci étant bordée par 2 ruisseaux ou canaux, le moulin ne devait pas être très loin.

Cadastre section D Florimont 1824
Extrait du cadastre section D de Florimont, année 1824. AD du Territoire de Belfort.

    Quant au Moulin-des-Bois et au moulin des Beusses, le premier est plutôt bien connu en tant que lieu-dit, se situant dans le grand bois entre Bessoncourt et Frais le long de la D419. Le moulin n'existe plus, il y a désormais, un étang pour pêcheurs. Il était présent sur la carte de Cassini de 1758-1762, on le retrouve sur le cadastre de Bessoncourt de 1831, le long de la route de Belfort à Altkirch, qu'on appelle route de Bâle de nos jours.

Cadastre Bessoncourt 1831
Extrait du plan d'assemblage du cadastre de Bessoncourt de 1831. AD du Territoire de Belfort.

    A noter tout à droite sur le cadastre, sur la route de Phaffans, la présence d'un autre moulin. On l'appelle communément le Moulin des Prés, par opposition à celui des Bois. Il n'existe plus non plus à l'heure actuelle.

    Pour ce qui est du moulin des Beusses, bien malin celui qui saurait où situer son emplacement. Heureusement, l'ouvrage "Dictionnaire topographique du département du Haut-Rhin" de Georges Stoeffel publié en 1868, nous apprend qu'il se trouvait à Montreux-Vieux (68). On le retrouve sur la carte de Casssini sous le nom de Moulin Aubeus entre Montreux-Vieux et Montreux-Château. Malheureusement, il n'y a pas de cadastre ancien disponible en ligne en ce qui concerne Montreux-Vieux, donc pas possible de le situer plus précisément.

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