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Méli-Melo Belfort
27 septembre 2023

Les rois de France et leurs familles qui sont passés à Belfort.

    Une visite, quelle soit présidentielle aujourd'hui, ou royale autrefois, honore la ville hôte et est souvent synonyme de fêtes. On peut se demander, depuis 1648 que Belfort est française, quels rois ont fait le déplacement jusqu'à notre ville.

    On commence par le premier d'entre-eux, dans tous les sens du terme, Louis XIV :

    Dans l'ouvrage Histoire pittoresque et anecdotique de Belfort et de ses environs par A. Corret, publié en 1855, on peut lire :

    "Convaincu de l'importance future de Belfort, qui jusque-là s'était trouvé perdu à l'extrémité des limites de toutes les nations qui se l'étaient approprié, il chargea l'ingénieur Leprestre de Vauban de se rendre sur les lieux et de tracer le plan d'une nouvelle ville à fortifier d'après son système. On prétend même que le roi [Louis XIV] qui venait de prendre ou d'acheter Strasbourg, charmé de sa nouvelle conquête, la voulut voir par ses yeux ; qu'il vint à Belfort sans suite, et qu'il logea à l'hôtel des Trois-Rois, auberge très importante alors et qui était située rue Sur-l'Eau, aujourd'hui les maisons Boltz, serrurier, et Walliang, cafetier (1). Ce qui fortifie cette assertion, c'est qu'il résulte des régistres de l'ancienne collégiale déposés dans les bureaux de notre mairie, qu'en 1683, le Dauphin, fils de Louis XIV, et Marie-Thérèse d'Autriche, reine de France, furent parrain et marraine à Belfort de mademoiselle Marie-Thérèse de Saint-Jus, née et baptisée le 20 mai de ladite année, fille du très-noble vicomte Maurice de St-Jus, général, gouverneur des ville et château de Belfort, et de Charlotte de Flavigny, son épouse.

Vauban à Belfort en 1679
Vauban à Belfort en 1679, par Tony-Robert Fleury (1880).

(1) Lorsqu'on reconstruisit ces maisons, on trouva sous une colonne en pierre qui avait, dit-on, été érigée lors de ce passage, entre 2 croisées de l'hôtel, une médaille commémorative dont s'emparèrent les ouvriers."

    J'ai retrouvé, via le site lisa90.org, l'acte de baptême de Marie-Thérèse de Saint-Jus :

Acte de baptême de Marie-Thérèse de Saint-Jus 23 juin 1683
Acte de baptême de Marie-Thérèse de Saint-Jus le 23 juin 1683.

    L'acte est bien sur en latin, lisa90.org nous en donne, non une traduction complète, mais une mise sous forme de transcription généalogique en français :

Archive : AM Belfort GG 10-36 : EC ancien : Belfort
Type : Baptême.
Date : 23 juin 1683
Individus relevés :
#1 : Marie Thérèse de St JUS (f) (baptisé)
résidence : Belfort
née le 20-5-1683
#2 : très noble personne Maurice de St JUS seigneur de St Jus et .... Lebailly (?) (père)
résidence : Belfort
"vicecomtis dobilii" préfet des armées royales et gouverneur de la cité et de la place [de St-JUST]
#3 : dame Charlotte de FLAVIGNY (mère)
#4 : le sérénissime prince Louis (parrain)
dauphin de France, fils de Louis XIV roi
#5 : Marie Thérèse d'AUTRICHE (marraine)
femme de #6, reine de France
#6 : Louis XIV
tenue sur les fonds baptismaux par Mgr le Dauphin et la Reine

    Contrairement à ce qui dit A. Corret, la naissance et le baptême n'ont pas eu lieu le même jour. Marie-Thérèse de Saint-Jus est née le 20 mai 1683, et n'a été baptisée que le 23 juin 1683. Ce qui laisse supposer que la famille de St-Jus était au courant de la visite royale et qu'ils avaient fait une demande de parrainage pour ce baptême.

    On reste, malgré tout, dans le conditionnel pour le passage de Louis XIV à Belfort. La preuve irréfutable nous vient de la Gazette, du 3 juillet 1683 où est écrit, à propos d'un voyage du roi en Franche-Comté et Alsace :

    "Le 22 [juin], la Cour vint coucher à Beffort, & le Roy en arrivant, alla voir les fortifications du Château. Le 23, il vint coucher à Cerney [Cernay]."

    Louis XIV est donc bien venu le 22 juin 1683 à Belfort, pour en repartir le lendemain 23 juin 1683, non sans avoir, certainement le matin, participé en temps que parrain au baptême de Marie-Thérèse de Saint-Jus.

    A titre d'information, à noter le mariage de Maurice de Saint-Just, gouverneur de la citadelle de Belfort, veuf de Jeanne de Chambly, avec Charlotte de Flavigny fille de Cesar Francois de Flavigny et de Suzanne de Vieilchastel, le 6 mai 1682 à la paroisse St-Eustache à Paris.

    Le roi suivant est Louis XV. Son passagee est cité dans Histoire pittoresque et anecdotique de Belfort et de ses environs de A. Corret :

    "Le 11 novembre 1744, Sa Majesté Louis XV, à son retour du siège de Fribourg en Brisgau, a passé à Belfort ; mais elle ne s'y est arrêtée que pour changer de chevaux et recevoir les hommages des autorités et de quelques députations, notamment celle des dames
religieuses nobles du célèbre monastère de Massevaux..."

Le siège de Fribourg en Brisgau le 11 octobre 1744 par Pierre Nicolas Lenfant (1704-1787)
Campagne des Flandres (1745-1747) : "Le siège de Fribourg en Brisgau le 11 octobre 1744",
Louis XV dirige les opérations militaires. Tableau de Pierre Nicolas Lenfant (1704-1787).
Château de Versailles.

    Dans un article de Descharrières intitulé "Cravanche, berceau de Belfort au préjudice de Brasse ou époque celtique, romaine, franco-bourguignone et germanique de Belfort et de son arrondissement - 3me suite et fin", et publié dans la Revue d'Alsace de 1864, un autre détail du passage de Louis XV est présenté :

    "... et lorsque M. Noblat, en recevant dans son hôtel à Belfort S. M. le Roi Louis XV , à son retour du siège de Fribourg en Brisgau en 1744, lui montra plusieurs médailles romaines trouvées dans l'arrondissement, sans doute qu'il y en avait aussi de Cravanche."

    D'autres descriptions de son passage à Belfort sont faites dans plusieurs bulletins de la Société Belfortaine d'Émulation :

    - Dans celui de 1906, article intitulé "Les Compagnies bourgeoises et les Chevaliers de l'Arquebuse de Belfort" par L. Klippffel :

    "Au passage du roi Louis XV, le 10 Novembre 1744, les compagnies bourgeoises sont mises sur pied et s'exercèrent plusieurs fois avant l'arrivée du souverain. L'une d'elle, composé des jeunes gens et commandée par Jean-Louis Roussel, procureur au bailliage, fut chargée de la garde d'honneur de S. M., comme étant la mieux exercée.
    Les compagnies montèrent au Château pour escorter le roi ; elles étaient précédées de 4 tambours auxquels la ville fit faire des uniformes qui coûtèrent 122 1. 6 s. 6 d.
    L'habit était de drap bleu, doublé de serge et avec des parements rouges, garni de 18 brandebourgs et de 22 boutons argentés. Le chapeau, bordé d'argent faux, était orné d'un bouton et d'une cocarde.
    Les armes furent prétées par l'arsenal et 250 livres furent dépensées pour les remettre en état. On brûla 30 livres de poudre."

    - Dans celui de 1913, article intitulé "Biographies des Anciens Généraux du Territoire de Belfort, par Dubail-Roy, revues et corrigées par Louis Herbelin (suite et fin)", une précision est donnée :

    "En tous cas, Jean-Louis Roussel occupait à Belfort l'office de procureur au baillage. Le 10 novembre 1744, lors de la visite de Louis XV, il commanda une compagnie bourgeoise composée de jeunes gens qui fut chargée, comme la mieux exercée, de la garde d'honneur de Sa Majesté."

    - Dans celui de 1914, article intitulé "Etudes sur les Gardes Nationales et sur les levées de troupes dans le département du Haut-Rhin pendant la Révolution, par le Capitaine Chognard", des compléments d'informations sont délivrés :

    "Nous voyons dans cette lettre qu'au passage du roi Louis XV le 10 novembre 1744, les compagnies bourgeoises sont mises sur pied et s'exercèrent longtemps à l'avance.
    Le Roi, après la maladie, qui lui valut le surnom de Bien-Aimé, devait assister au siège de Fribourg en Brisgau, puis revenir par Belfort à Paris. Dès le 19 octobre, le Magistrat résolut, pour le fêter dignement, de faire dresser un arc de triomphe dans la rue des Faivres (ou de la porte de Brisach) un peu au-dessus du débouché de cette rue sur la place de la Grande-Fontaine. Le Roi ne vint que le 10 novembre. La veille il avait été convenu que le Prévôt Noblat ferait la harangue au monarque et remettrait les clefs de la ville au commandant de la place pour être ensuite présentées à Sa Majesté.
    Les compagnies montèrent au Château pour escorter le Roi. Elles étaient précédées de 4 tambours auxquels la ville fit faire des uniformes qui coûtèrent 122 livres, 6 sols, 6 deniers. L'habit était de drap bleu, doublé de serge et avec des parements rouges, garni de 18 brandebourgs et de 22 boutons argentés ; le chapeau, bordé d'argent faux, était orné d'un bouton et d une cocarde.
    Les armes furent prêtées par l'Arsenal, 250 livres furent dépensées pour les remettre en état, on brûla 30 livres de poudre."

    Comme on a pu le voir, 2 dates sont citées pour le passage du roi Louis XV, le 10 et le 11 novembre 1744. Allons voir dans la Gazette, ce qui peut être dit.

    - Gazette du 21 novembre 1744 :

    "De Paris, le 21 Novembre 1744.
    Le Roy , estant party le 9 de ce mois du Village de Muntzingen, où estoit le Quartier de Sa Majesté pendant le siege de Fribourg, arriva à Huningue vers les deux heures aprés-midy : il descendit de carosse à la porte de la Ville, & estant monté sur le rempart, il vit les fortifications de la Place. Sa Majesté vint coucher le 10 à Vezoul, & elle y fut reçûë par le Duc de Randan, Lieutenant General au Gouvernement du Comté de Bourgogne, & Commandant dans cette Province. Le 11, le Roy coucha à Chaumont en Bassigny, où l'Evêque de Langres s'estoit rendu pour y recevoir Sa Majesté, laquelle a couché le 12 à la Chapelle, Château situé prés de Nogent sur Seine, & appartenant au sieur Orry, Ministre d'Etat & Controlleur General des Finances. Toutes les Villes, par lesquelles le Roy a passé en revenant icy, ont donné toutes les marques de joye, qu'on pouvoit attendre de leur tendre & respetueux attachement pour Sa Majesté."

    Même si Belfort n'est pas cité, car le roi Louis XV n'y a pas couché, vu qu'il couche à Vesoul le 10 novembre, en étant passé à Huningue le 9 novembre, la bonne date est donc le 10 novembre 1744.

    Je n'ai rien trouvé concernant les 3 rois suivants, à savoir Louis XVI, Louis XVIII et Charles X. Ce qui ne veut pas dire, qu'au moins l'un de ceux-ci ne soit pas venu, mais je n'en ai pas découvert la preuve.

    Par contre, Louis-Philippe, roi des français, à également rendu visite à Belfort. Là encore, citons A. Corret et son ouvrage Histoire pittoresque et anecdotique de Belfort et de ses environs, dans un chapitre consacré au Général de Bellonnet :

    "En 1831, lors du passage à Belfort de S. M. Louis-Philippe, M. de Bellonnet fut presque le seul officier supérieur avec lequel s'entretint le roi, et le seul qui eut l'honneur d'accompagner le souverain dans sa visite des fortifications. Le monarque reconnut bientôt l'homme supérieur, aux savantes descriptions stratégiques qu'il lui fit avec cette facilité que donnent les profondes connaissances. Sa Majesté, après l'avoir complimenté, le nomma officier de la Légion-d'Honneur, et l'éleva au grade de lieutenant-colonel."

    Essayons de préciser la date en consultant à nouveau la Gazette :

    - Gazette du 28 juin 1831 :

    "Paris , le 27 juin.
    VOYAGE DU ROI.
    Belfort , 24 juin au soir.
    Deux arcs de triomphe étaient construits à l’entrée de Belfort. Toutes les populations voisines étaient accourues dans cette ville. Chaque maison, ou pour parler plus exactement, chaque croisée était ornee d’un drapeau tricolore.
    A six heures et demie , S. M. est arrivée à l’arc de triomphe le plus éloigné du centre de la ville , et y a été reçue par le corps municipal.
    Avant d’entrer à l’hôtel de la mairie, préparé pour le recevoir, le Roi a passé la revue d’environ 5000 hommes de garde nationale, et de troupes de ligne, S. M. a ensuite visité les forts, et il est rentrée à la mairie qu’à neuf heures et demie.
    Le Roi a reçu, en rentrant les autorités. Les principaux fonctionnaires ont eu l’honneur de dîner avec S. M.
    A dix heures et demie, un feu d’artifice, auquel S. M. a mis le feu, a été tiré en face de la mairie. Le Roi s’est ensuite rendu au bal, où il est resté jusqu’à onze heures et demie. S M. a été saluée a Belfort par les mêmes acclamations qui l’ont accompagnée dans tout son voyage."

    - Gazette du 29 juin 1831 :

    "VOYAGE DU ROI.
    Belfort , 24 juin.
    "Le Roi est arrivé à sept heures aux approches de Béfort : S. M. y a été reçue sous un arc de triomphe par M. le maire, à la tête du corps municipal.
    Le Roi s’est rendu à cheval au champ de manœuvre , où 8,000 hommes de garde nationale étaient rangés en bataille ; cette revue a été remarquable, tant par le nombre des gardes nationaux que par leur bonne tenue et l’ordre dans lequel ils ont défilé devant S.M.    
    Du champ de manœuvre, le Roi s’est dirigé sur le fort de l’Amiotte [la Miotte], et ensuite sur le fort de la Justice, élevé en avant de l’emplacement du camp retranché. S. M. a visité les travaux qu’on y exécuté. Elle a passé devant la lunette 18, dont on excave les fossés, et qui doit servir à la route royale de Paris à Bâle, route qui sera viable le 1er septembre prochain. De là, en suivant les glacis de la place, le Roi est entré en ville par la porte de France, où était élevé un bel arc de triomphe.

Lunette 18 par Leon Wendling en 1870
La Lunette 18 vue par Léon Wendling en 1870.
Tiré de l'ouvrage "Souvenirs du siège de Belfort 1870-1871".

    Le Roi a fait son entrée à neuf heures au bruit d’une salve d’artillerie et des acclamations de la population. La garde nationale formait la haie ; un bataillon du 17e léger était en bataille sur la place d’armes.
    S. M. est descendue à l’Hôtel-de-Ville.
    S. M. a reçu immédiatement les autorités.
    Après son diner, elle s’est rendue au bal. L’emplacement du manège avait été transformé en une salle de bal, ornée avec beaucoup de goût et d’élégance."

    - Gazette du 30 juin 1831 :

    "VOYAGE DU ROI.
    Besançon, le 26 juin, au matin.
    Le Roi est parti le 25, à onze heures, de Belfort.
    S. M. a traversé la ville à cheval ;
    Elle a trouvé sur son passage la garde nationale et une population empressée, comme la veille à son arrivée.
    M. le préfet du Doubs et M. le général commandant la division, se sont trouvés à la limite du département pour recevoir S. M.
    Le Roi est arrivé à midi et demi aux portes de Montbelliard, où le maire, à la tête du corps municipal, est venu le complimenter. Avant d’entrer dans la ville, S. M. a passé en revue 5,000 hommes de garde nationale, rangés en bataille à gauche de la route. La garde nationale de la Franche-Comté ne se distingue pas moins que celle de l’Alsace par son zèle, sa bonne tenue et par son dévouement."

    Le roi Louis-Philippe est donc arrivé à Belfort le 24 juin 1831, pour repartir le lendemain 25 juin 1831 pour Besançon.

    Ayant éclusé tous les rois, en tout cas ceux dont j'ai retrouvé des sources, qui sont passés par Belfort, je vais, de manière non-exhaustive, donner quelques passages de membres de la famille royale.

    Je débute par Marie-Josèphe de Saxe, future Dauphine de par son mariage avec le Dauphin, Louis de France, fils aïné de Louis XV.

    On refait référence à Histoire pittoresque et anecdotique de Belfort et de ses environs, A. Corret dit :

    "En 1747, Madame la Dauphine et le Dauphin ont séjourné à Belfort et ont logé dans l'Hôtel-de-Ville actuel, appartenant à M.Noblat, prévôt de la seigneurie, qui l'habitait. Ce magistrat présenta, selon l'usage, le vin d'honneur à ses illustres hôtes, dont la présence fut l'occasion de plusieurs réjouissances."

Belfort Hotel de Ville
Hôtel de ville de Belfort, ancien hôtle Noblat construit en 1724. AD du Terrtoire de Belfort.

    Les bulletins de la Société Belfortaine d'Émulation qui nous avaient servis pour le passage de Louis XV, resservent à nouveau pour la Dauphine :

    - Celui de 1906 :

    "Le 30 janvier 1747, la Princesse Marie-Josèphe de Saxe, future Dauphine de Saxe, fit son entrée à Belfort.
    Dès le 13 décembre 1746, les magistrats délibérèrent sur les mesures à prendre pour recevoir dignement la princesse.
    « Mrs du Magistrat éliront et choisiront les officiers des compagnies bourgeoises qui auront soin ensuite de mettre leur compagnie en état, desquelles seront tirés 40 hommes qui auront un uniforme suivant qu'il sera réglé et convenu ».
    Les édiles belfortains firent les choses très largement, car au lieu de 40 hommes, la compagnie d'honneur en eut 50, sans compter 5 anspessades, 5 caporaux, 4 sergents et 6 tambours, fifres ou musiciens.
    Nous ne connaissons pas la couleur de l'uniforme qui lui fut donné, nous savons seulement que les galons des gradés étaient d'or et que l'habit était orné d'aiguillettes de laine pour la troupe et d'or pour les officiers.
    L'habit des tambours était de drap écarlate, doublé de cadis rouge avec parements de drap bleu, garni de 30 boutons et d'un col noir ; une cocarde était fixée au chapeau.
    La dépense s'éleva à 3088 1. 14 s."

    - Celui de 1914 :

    "Le deuxième événement auquel fait allusion la lettre de Roussel a trait au passage de la princesse Marie-Josèphe, fille d'Auguste III, électeur de Saxe et roi de Pologne, fiancée au Dauphin. Son passage par Belfort, pour se rendre d'Allemagne à la cour de France, était certain, mais on ignorait l'époque où il aurait lieu. On pensait toutefois que ce serait pour fin décembre 1746 ou courant de janvier 1747.
    Dès le 13 décembre 1746, les Magistrats délibèrent sur les mesures à prendre pour recevoir dignement la princesse.
    « MM. du Magistrat éliront et choisiront les officiers des compagnies bourgeoises qui auront soin ensuite de mettre leur compagnie en état, desquelles seront tirés 40 hommes qui auront un uniforme suivant qu'il sera réglé et convenu ».
    Les édiles belfortains firent les choses très largement car, au lieu de 40 hommes, la compagnie d'honneur en eut 50, sans compter
5 anspessades, 5 caporaux, 4 sergents et 6 tambours, fifres ou musiciens. Les galons des gradés étaient d'or, l'habit était orné d'aiguillettes de laine pour la troupe et d'or pour les officiers. L'habit des tambours était de drap écarlate, doublé de cadis rouge, avec
parements de drap bleu, garni de 30 boutons et d'un col noir, une cocarde était fixée au chapeau. "

     A moins d'une seconde visite à Belfort en 1747, ce dont je doute, A. Corret se trompe en parlant du passage de la Dauphine avec le Dauphin. Marie-Josèphe de Saxe était seule lorsqu'elle arrive à Belfort le 30 janvier 1747. Elle était partie de Dresde le 14 janvier 1747 afin de se marier le 9 février à Versailles. Dans la Gazette du 11 février 1747, on suit son itinéraire depuis Strasbourg :

    "De Paris, le 11 Fevrier 1747.

    Madame la Dauphine, estant partie de Strasbourg le 29 du mois dernier, coucha le mesme jour à Colmar, le 30 à Belfort, le 31 à Vesoux [Vesoul], le 1er de ce mois à Langres, le 2 à Chaumont en Bassigny, le 3 à Bar-Sur-Aube, le 4 à Troyes, & le 5 à Nangis, où elle sejourna le 6, & elle arriva le 7 à Corbeil. Dans toutes les Villes où Madame la Dauphine a passé, elle a reçu les compliments des Magistrats ; elle a trouvé les ruës tendues de tapisseries, & la Garnison ou la Bourgeoisie en haye sous les armes, & un concours inexprimable de peuple s'est empressé d'aller audevant de cette Princesse, dont les grâces, la douceur & l'affabilité, accompagnées de l'air de dignité qui annonce une ame superieure, ont inspiré l'amour & le respect à toutes les personnes, qui ont eu le bonheur d'approcher d'elle."

    D'après la Gazette du 11 février, Le Dauphin, accompagné du Roi, va, le 7 février, à l'encontre de la Dauphine, au pré du Brie, à l'intersection des chemins menant à Corbeil ou Nangis. Ce qui confirme qu'il n'était pas avec elle le 30 janvier 1747 à Belfort.

    Autre membre de la famille royale ayant fait un passage éclair à Belfort, Marie-Thérèse Charlotte de France, parfois appelée Madame Royale, fille de Louis XVI. Henri Bardy, éminent historien local dont j'aurai l'occasion de vous reparler, dans son article intitulé "Belfort en 1814 La reddition de la place et l'occupation autrichienne (16 Avril-15 Juin)" paru dans le bulletin de la Société Belfortaine d'Émulation de 1907 :

    "Dans nos petites villes de province, c'est toujours un événement sensationnel que le passage d'un personnage princier ou illustre. Le dernier que l'on avait vu à Belfort était celui de la jeune Marie-Thérèse-Charlotte de France, « la petite fille qui était au Temple », comme disait le peuple de Paris, qui, le 23 décembre 1795, passa pour aller à Bâte et y être échangée contre des prisonniers français détenus en Autriche. La jeune princesse ne s'arrêta que pour relayer et ne resta que quelques moments chez Nicolas Dauphin, maître de poste, au faubourg de France. On ne sut qu'après son départ pour Huningue que la voyageuse qui venait de passer si rapidement était la fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette, celle qu'on appelait à Versailles « Madame Royale », la future duchesse d'Angoulême.
    Le secret avait été si bien gardé que ce voyage avait passé presqu'inaperçu."

    On a un témoignage direct du passage de Marie-Thérèse Charlotte de France à Belfort. En effet, elle a écrit un récit de sa sortie de la prison du Temple et de son voyage de Paris à Huningue afin d'être échangée contre des prisonniers français, lui permettant ainsi de rejoindre la cour de Vienne. Celui-ci est passé aux enchères en 2015. En voici l'extrait concernant sa venue à Belfort :

    "A 9 heures du matin le 21 nous arrivâmes a Chaumont où nous descendîmes pour déjeuner on me reconnut et la chambre fut bientôt environnée d'une grande quantité de monde qui voulais me voir ; mais avec bonne intention. Mr Méchin fit venir la gendarmerie qui n'y fit rien la municipalité étant venue assurer que nous pouvions partir et calma le tumulte. Cependant jusqu'à la voiture je fus entourée d'une grande quantité de monde qui me donna mille bénédictions nous repartîmes nous arrivâmes a onze heures du soir à Fayl-Billot souvent retardés par le manque de chevaux et les mauvais chemins, nous n'en trouvâmes point à cette porte et nous fumes obligés d'y rester jusqu'à 6 heures du matin. Nous en partîmes et arrivâmes le soir à Vesoul à 8 heures du soir. N'ayant pu faire que 10 heures dans la journée faute de chevaux de là nous allâmes à Ronchamp à 4 heures du soir où nous ne trouvâmes point de chevaux nous fumes arrêtés deux heures. Frayer [Frahier] porte d'après pas plus de chevaux enfin il en vint au bout de deux heures. Nous arrivâmes le soir à 11 heures à Belfort nous en repartîmes le lendemain 24 décembre à 6 heures du matin nous éprouvâmes encore beaucoup de difficultés dans le chemin enfin nous arrivâmes à Huningue à la nuit tombante le 24 décembre."

Marie Thérèse Charlotte de France - Extrait lettre sortie du Temple
Marie-Thérèse Charlotte de France - Extrait lettre sortie du Temple

    Comme nous le voyons, Marie-Thérèse Charlotte de France est arrivé tard le soir du 23 décembre 1795 à Belfort, 23 heures, et est reparti tôt, 6 heures le lendemain. C'est pour cela qu'elle n'a pas pu laisser une trace tangible de son passage, car pas de rencontres avec les habitants et les notables de Belfort.

    En 1814, Charles-Ferdinand d'Artois, Duc de Berry, fils de Charles X passe par Belfort. On peut lire dans l'ouvrage "Charles Ferdinand d'Artois, duc de Berry, 1778-1820, père du comte de Chambord", par Jean-Jacques Boucher :

    "Le Roi [Louis XVIII] le charge d'inspections militaires à travers le pays. De juilllet à octobre 1814, il visite les places fortes d'Alsace, de Lorraine et de Franche-Comté, ainsi que les départements frontaliers du Nord et de l'Est. Dans tous les départements ce ne sera que feux d'artifices, fleurs, revues militaires, hommages, bals et diners"

    On lit encore :

    "Le 4, il est à Landau, le 5 à Colmar, le 6 à Belfort, le 7 à Vesoul, le 8 à Langres, le 9 à Chalons. il retrouve Fontainebleau le 10 octobre."

    Le duc de Berry est donc passé à Belfort le 6 octobre 1814. Cela est confirmé par la Gazette de France du 10 cotobre 1814 :

    "Mgr le duc de Berry, parti de Strasbourg le 6 octobre, s’est rendu directement à Schelestadt [Sélestat], ou il a passé la revue des troupes et visité les fortifications. Le même jour, le prince est allé coucher à Colmar. Après avoir visité Neubrissac [Neuf-Brisach], Huningue et Béford [Belfort], S. A. R. s'est mise en route pour Paris, ou elle est attendue demain."

    Malheureusement, je n'ai pas trouvé de détails sur ce que le duc de Berry a fait à Belfort, ni sur les réjouissances qui l'attendaient.

    Passons à Louis-Antoine d'Artois, Duc d'Angoulême. Fils de Charles X et époux depuis le 10 juin 1799 de Marie-Thérèse Charlotte de France, citée plus haut.

Louis-Antoine d'Artois, duc d'Angoulême, Horace Vernet (1824)
Louis-Antoine d'Artois, duc d'Angoulême, Horace Vernet (1824). Château de Versailles.

    La Gazette Nationale du 29 novembre 1818, signale son passage à Belfort le 20 novembre 1818.

    "Belfort, le 21 novembre.

    S. A. R. Mgr le duc d’Angoulême est arrivé hier a dix heures sur le glacis de la ville, où l’attendaient les autorités et la garde nationale dans une belle tenue. Le prince est monté sur le champ a cheval, a traversé la ville, s’est rendu au château, et a ensuite parcouru en détail les diverses positions militaires qu’il avait déjà aperçues du point central. Sur son passage, S. A. a reçu les pétitions avec une expression de bonté qui a fait une vive impression sur tous les habitans.
    A quatre heures, S. A. est entrée dans le logement qui lui avait été préparé chez M. Daguenet, négociant, et a reçu les corps. MM. les officiers en retraite et en non activité lui ont été présentés, il a accueilli avec bonté les demandes que plusieurs lui ont présentées, et a adressé à chacun d’eux des questions qui prouvaient sa sollicitude pour tous les militaires.
    Pendant le dîner , auquel S. A. a admis les principaux fonctionnaires civils et militaires, le prince a adressé des questions, avec sa bienveillance ordinaire, à M. Triponé, membre du conseil général, et à MM. Japy et Kœchlin, membres du conseil d’arrondissement et principaux manufacturiers de ce pays.
    Immédiatement après , S. A. R., accompagnée de ses officiers et de M. le préfet, s’est rendue au bal qui jamais n’avait été si nombreux. Huit cents personnes ont salué le prince, à son arrivée, des plus vives acclamations, et toutes ont témoigné lors de son départ le regret qu'elles en éprouvaient. Désormais on n’entrera pas dans cette belle salle (car c'est ainsi que le prince l’a appelée), sans se rappeler les paroles obligeantes que S. A. R. a adressées à toutes les dames qui lui ont été présentées par M. le comte Woldemar de Brancas, sous-préfet, paroles particulièrement aimables pour chacune d’elles, puisqu'elles rappelaient le mérite apprécié, par le prince, ou les traits honorables qu’il connaissait des objets de leur affection.
    S. A. R. , de laquelle le sous-préfet sollicitait la protection pour les villages incendiés, voisins de Belfort, qui n’ont pu encore être reconstruits, a daigné donner l’ordre à ce magistrat de lui-adresser un mémoire à ce sujet, et tous les habitans ont appris cette nouvelle avec une vive et profonde reconnaissance. Tous les officiers qui accompagnaient le prince se sont fait remarquer par une obligeance et une politesse bien appréciée par les habitans.
    S. A. R. est partie ce matin pour Epinal ; elle a fait remettre par M. le vicomte de Champagny, à M. Legrand, maire de cette ville, un témoignage éclatant de sa munificence pour les pauvres."

    On termine par Henri d'Orléans, Duc d'Aumale, fils du roi Louis-Philippe. Il est nommé le 28 septembre 1873 commandant du 7e corps d'armée à Besançon, dont dépendent plusieurs régiments de Belfort.
Dans l'ouvrage "Le duc d'Aumale : une grande figure du XIXe siècle" par F. Jousseaume publié en 1947, est explicité les tâches qui incomba au duc d'Aumale d'effectuer dans le cadre de son commandement du 7e corps d'armée :

    "Dès les premiers jours, il demanda à un de ses officiers d'état-major de faire avec lui à cheval la tournée des forts de Besançon et lui en expliquer le système défensif. Au bout de quelques semaines il connaissait à fond toute la défense de sa région.
    Celle-ci, (il avait pu rapidement s'en rendre compte) était bien imparfaite. Presque tout était à faire. Relever les ruines des forts, en construire d'autres était une tâche qui s'imposait d'urgence. Quoique, en principe, ennemi de l'abus des fortifications qu'il considérait comme « une attraction fatale pour les armées », il se mit énergiquement à la tâche. Il convenait, en premier lieu de mettre les places de Belfort, Besançon, Langres en état de jouer le rôle de premier ordre qu'elles pourraient être appelées à jouer en cas d'un nouveau conflit. Il eut six ans pour mener à bien ce travail. D'une activité prodigieuse, tôt levé, s'occupant des moindres détails, il sut partout s'imposer, stimulant l'ardeur des uns, encourageant les initiatives des autres. Organisation du bois de Bosmont près de Belfort, agrandissement des ouvrages de Besançon, aménagement des forts avancés de Langres, construction d'un nouveau fortin au ballon de Servance pour établir une liaison entre les défenses des Vosges et celles du Jura, telle fut la première partie du programme. Belfort situé à une trouée d'importance stratégique capitale attira particulièrement son attention. Le vieux château, malgré le siège subi, était, pour ainsi dire, intact : il en fit le pivot de la défense, le hérissant de canons et y accumulant des provisions de toutes sortes en armes,
munitions et vivres. Il fut dans cette tâche le plus intelligemment secondé par le général Munier, gouverneur de Belfort. Ces travaux, il en surveillait d'ailleurs lui-même l'exécution accompagné de ses officiers d'état-major pour qui ces inspections étaient pleines d'enseignement...
    D'une activité prodigieuse, il passait des inspections à l'improviste dans les différents endroits de son corps d'armée, à Belfort, à Langres, à Lons-le-Saulnier, à Vesoul : « Le prince n'est jamais à Besançon, disait-on, et on l'y voit toujours. » "

    Grace au journal local, le libéral de l'Est, on peut suivre de façon, non exhaustive, les allers et venus du duc d'Aumale à Belfort :

    - Journal du jeudi 1er janvier 1874 :

    "BELFORT. — Le duc d’Aumale est venu à Belfort dimanche matin et en est reparti le soir même. Il a passé l'inspection des troupes
dans les casernes, visité les forts et le salbert. En passant dans les rues de la ville, soit en voiture découverte soit à cheval, il saluait
tout le monde avec une exquise politesse. La population était indifférente à ces prévenances. Depuis que la presse .« honnête » l’a traînée dans la boue, à l’occasion des manifestations dont M. Thiers a été l’objet, elle est très réservée et se tient sur ses gardes."

    - Journal du dimanche 12 avril 1874 :

    "Le duc d'Aumale a été dans nos murs hier vendredi, où il a passé la garnison en revue.
    Le général avait été à Lyon trois jours avant"

    - Journal du jeudi 9 septembre 1875 :

    "Le général de Cissey, ministre de la guerre est arrivé à Belfort lundi soir vers 7 heures 14. M. le duc d’Aumale était venu la veille pour attendre le ministre et était allé à sa rencontre jusqu’à Giromagny. Ces messieurs et leur suite sont descendus à l’hôtel de la préfecture où un dîner leur a été offert.
    Le lendemain mardi, M. de Cissey a passé en revue toutes les troupes de la garnison sur le champ de Mars. Les réservistes figuraient parmi les troupes régulières et ont manœuvré avec beaucoup de précision. Le ministre a paru satisfait de la tenue des troupes.
    Après la revue le ministre et le duc d’Aumale ont visité les forts en construction."

    - Journal du jeudi 28 septembre 1876 :

    "Belfort — Dimanche nous avons eu la visite de M. le duc d’Aumale qui s’est rendu à la messe militaire suivi d’un grand nombre d’officiers de la garnison.
    « Monseigneur » a été reçu sur le parvis de l’église par M. l’aumônier Mittelhauser qui s’est incliné à plusieurs reprises avec un peu plus de « profondeur » que le prêtre ne met d’habitude dans ses inclinaisons devant le Saint-Sacrement."

    - Journal du jeudi 29 mars 1877 :

    "Hier matin, M. le duc d’Aumale, commandant du 7e corps d’armée a passé en revue les troupes mobilisables de la garnison de Belfort."

    - Journal du dimanche 12 mai 1878 :

    "Vendredi matin, à huit heures, M. le duc d’Aumale, commandant en chef du 7e corps, a passé en revue sur le champ de Mars, l’armée territoriale en garnison à Belfort, ainsi que plusieurs bataillons et batteries de l’armée active."

Champs de Mars à Belfort
Belfort - La revue du 14 juillet. Défilé de l'infanterie sur le champ de Mars. AD du Terrtoire de Belfort.

    - Journal du jeudi 16 mai 1878 :

    "Après la revue de vendredi, M. le duc d'Aumale a invité plusieurs officiers de l'armée territoriale, à un dîner auquel assistaient : MM. l’administrateur, le maire de Belfort, le général Munier, et les chefs de corps.
    Après le dîner le commandant du 7e corps a offert le café à tous les officiers.
    A cette occasion il a prononcé quelques paroles patriotiques sur le rôle de l'armée et a exprimé sa satisfaction sur l'excellente tenue de l’armée territoriale."

    Pour l'anecdote, lors de me recherches, j'ai pensé que le Duc d'Aumale était passé plus tôt à Belfort, en 1845. Car je le voyais cité dans la Gazette Nationale à plusieurs reprises cette année là, présent au château de Belfort. Mais en regardant de plus près, cela se passait aux environs de Bordeaux. En fait il y a bien à Saint-Médard de Jalles, à une dizaine de kms de Bordeaux, un chateau de Belfort, c'est là que le duc d'Aumale résidait au moment où il commandait un camp militaire qui s'était provisoirement installé aux alentours, en août-septembre 1845.

    Maintenant qu'on a fait le tour des rois et leurs familles, essayons de voir du côté de l'Empire, si il n'y a pas eu de visites.

    Bien que Napoléon 1er ait beaucoup voyagé, je n'ai pas trouve de traces d'un éventuel passage de celui-ci à Belfort, par contre, sa femme l'Imprératrice Marie-Louise et son fils, le roi de Rome dit l'Aiglon, sont passés en 1814.
Deux témoignages à l'appui, encore et toujours A. Corret dans Histoire pittoresque et anecdotique de Belfort et de ses environs :

    "Les jeunes Belfortains sauront que c'est dans cette maison [l'Hôtel de sous-préfecture en 1855] que logea l'impératrice Marie-Louise, lorsqu'elle quitta la France, en 1814, avec son fils Napoléon II. Dans le même temps, l'ancienne impératrice, la bonne et regrettée Joséphine Beauharnais, mourait à la Malmaison, près de Paris. Marie-Louise, ne pouvant se soustraire aux acclamations des habitants de Belfort, qui désiraient contempler pour la dernière fois le fils de l'Empereur, vint présenter le jeune prince au public du haut du balcon de l'Hôtel. L'enfant roi, apercevant dans la foule un ancien hussard français, revêtu de son uniforme, s'écria, au grand scandale des factionnaires autrichiens qui gardaient la porte : « Voilà encore un soldat de mon papa. » Ce jeune roi de Rome, détrôné avant d'avoir régné, semblait dire au
peuple attendri, assemblé sous ses fenêtres, ces vers que Voltaire met dans la bouche d'OEdipe :
Je pars et vais chercher dans ma douleur amère,
Des parents inconnus, qui sont ceux de ma mère,
Et vivant loin de vous, sans états, mais en roi,
Justifier les pleurs que vous versez pour moi."

    et pour une date plus précise, à nouveau Henri Bardy dans son article intitulé "Belfort en 1814 La reddition de la place et l'occupation autrichienne (16 Avril-15 Juin)" paru dans le bulletin de la Société Belfortaine d'Émulation de 1907 :

    "Il n'en fut pas de même du passage à Belfort de l'impératrice Marie-Louise et du petit roi de Rome, qui arrivèrent vers quatre heures du soir, le 30 avril 1814. Ils descendirent et furent reçus chez le général Drechsel, gouverneur de Belfort.
    Un détachement d'une cinquantaine d'hommes du régiment de Keiser-Infanterie, servant de garde d'honneur, était établi devant la maison Christophe Antonin, sur la place de la Petite-Fontaine. Un nombreux public circulait dans cette partie de la Grande-Rue et se pressait dans l'espoir d'apercevoir l'impératrice et surtout le Roi de Rome, alors âgé de trois ans. Sa gouvernante, Mme de Montesquiou, le présenta à une fenêtre. L'enfant regarda les soldats autrichiens, fit une petite moue, et, les montrant d'une de ses menottes, dit: « Oh ! qu'ils sont vilains, j'aime mieux les soldats de mon papa ! » Le 1er mai, à dix heures du matin, Marie-Louise, son fils et sa suite de quelques personnes remontèrent en chaise de poste et sortirent par la porte de Brisach, se dirigeant sur Bâle, au milieu d'une foule de curieux. Plusieurs femmes pleuraient, beaucoup d'hommes, la mine farouche, grinçaient des dents de colère concentrée, en voyant la femme de l'empereur et son fils entre les mains des vainqueurs, malheureux et fugitifs. Malgré la présence des bayonnettes ennemies, on entendit de nombreux cris de Vive l'Empereur ! Vive Marie Louise ! Vive le Roi de Rome !"

Napoléon II, roi de Rome, dit l'Aiglon
Napoléon II, roi de Rome, aux jardins des Tuileries.
Georges Rousset, Musée Fesch, Ajaccio.

    Le passage de l'Impératrice et son fils s'est donc fait du 30 avril au 1er mai 1814, sous occupation autrichienne de Belfort, puisque le commandant Legrand s'était déjà rendu le 12 avril 1814 après 113 jours de siège.

    Pour finir, Louis-Napoléon Bonaparte, le futur Napoléon III est passé à Belfort, alors qu'il n'était encore que Président de la République française.



Louis-Napoléon Bonaparte, Président de la République Française.
Alphonse-Léon Noël. Source, Gallica.fr

    Le journal des faits du 23 août 1850 raconte son arrivée, son passage et son départ de Belfort :

    "10e journée. — De Besançon à Belfort. — Parti le 19 de Besançon à 1 h. 1/2, le président a été salué sur toute la route par les acclamations les plus enthousiastes. Avant le départ de Besançon, M. le général de Castellane avait pris congé du prince. A chaque instant, les habitans de toutes les communes par lesquelles il passait, et des contrées environnantes, s’avançaient, drapeaux et tambours en tête aux cris de Vive Napoléon ! Vive le président! Dans chaque village, on voyait des ares de verdure, des maisons décorées de branchages, les cures en habits sacerdotaux, les maires et les municipalités en écharpe, toute la population en babils de fête. En un mot, le trajet a été une ovation continuelle. A 6 kilomètres de Belfort, les ouvriers de la fabrique de Bavilliers, attendaient le président auquel ils avaient préparé une réception des plus brillantes. Le président s'y est arrêté quelques inslans et les a remerciés avec effusion de leur sympathie.
    Le prince est arrivé à neuf heures moins un quart aux portes de Belfort, où l’attendaient le général Magnan, le préfet du Haut-Rhin et le corps municipal. Toute la garde nationale des communes rurales était accourue au cri de Vive Napoléon et l’a salué à son arrivée par cette unique acclamation. Le discours de bienvenue a été prononcé par M. Relier, faisant fonction de maire.
En voici les dernières paroles :
    « Entrez, prince, dans nos murs, entrez-y avec la pleine confiance d'y trouver une population affectueuse et amie de l'ordre. Elle sait ce que la France vous doit déjà d'améliorations, et elle est impatiente de vous en prouver sa reconnaissance par ses respectueuses acclamations. »
    Le président à répondu : « qu’il savait que l’Alsace était un pays d’énergie, qui n’avait reculé devant aucun sacrifice lorsqu’il s’était agi de défendre le territoire menacé ; que le souvenir de l’empereur était encore palpitant dans ces contrées et que c’était pour son neveu le gage certain d'une réception cordiale. »
    Immédiatement après, le président a fait son entrée dans Belfort au son de l’artillerie de la place et des cloches de toutes les-églises, au milieu d’une foule immense qui l'a accueilli par les cris de : Vive Napoléon ! vive le président ! et vive la République ! Quelques cris honteux de Vive la République démocratique et sociale ! se sont fait entendre également, mais n’ont trouvé aucun écho.
Trois individus qui ont été surpris au moment où ils proféraient ce cri séditieux ont été arrêtés. Les maisons de la ville étaient pavoisées et illuminées sur le passage du cortège.
    C’est à l’Hôlel-de-Ville qu’avaient été préparés les appartemens du président et de sa suite. Cet édifice était resplendissant de lumières. La ville avait voté des fonds pour la réception du prince et pour des distributions aux indigens. A dix heures a eu lieu à l’Hôtel-de-Ville- un magnifique bal. Louis-Napoléon, après l’avoir ouvert et s’être entretenu trois quarts d’heure avec plusieurs personnes, est rentré dans ses appartemens. MM. Heeckeron, Emile Dolfus et Jules Migeon, représentons du Haut-Rhin, étaient venus lui présenter leurs hommages.

    11e journée (20 août). — De Belfort à Colmar, par Mulhouse. — Le matin, après les réceptions ordinaires, le président est monté à cheval et s’est rendu au Champ-de-Mars, pour passer la revue de la garnison et des nombreuses gardes nationales de la campagne, accourues en masse. Les cris de Vive Napoléon ! vive le président ! n’ont pas un seul instant cessé de retentir pendant que le prince passait devant le front des gardes nationales des environs de Belfort, dont la tenue est des plus remarquables, de deux bataillons du 7e de ligne, du 4e dragons et d’une batterie détachée du régiment d’artillerie qui tient garnison à Strasbourg.
    A onze heures, des salves d’artillerie et le son des cloches de toute la ville ont annoncé son départ pour Mulhouse. L’affluence était telle, qu’une heure après sa sortie de la ville il était littéralement impossible de faire un pas en avant. On a pu remarquer de nouveau, à Belfort, ce qui a eu lieu dans plusieurs villes, c’est que les cris de : Vive Napoléon ! vive le président ! dominaient au départ. Ce fait semble indiquer que les meneurs de la démagogie ont voulu organiser partout des manifestations hostiles, et qu'ils s'en sont dégoûtés le lendemain quand ils ont reconnu que le vrai peuple n'y prenait aucune part.
 Ce n’est pas exagérer, que de porter à plus de cent mille le nombre des personnes qni se sont trouvées sur le passage du président, pendant le trajet de Belfort à Mulhouse. C est toujours pour les campagnes l’empressement du 10 décembre ; le nom de Napoléon a conservé sur elles toute sa magie. Partout des arcs de feuillage, les maisons décorées de branchages, des drapeaux avec les inscriptions de : Vive Napoléon ! vive le président. Des groupes sillonnant la route tambours en tête et poussant unanimement le cri de vive Napoléon ! A la Chapelle, Jope [Roppe], Anspach [Aspach] le haut, Anspach [Aspach] le bas, le plus vif enthousiasme."

    Voilà qui finit pour l'instant la liste des passages de rois, de leurs familles, et de la famille impériale à Belfort. Si jamais je retrouve d'autres candidats à ajouter, je le ferai à la suite de cet article.

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Méli-Melo Belfort
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